C’est ce que l’histoire du XXe siècle aurait dû nous
apprendre. Malheureusement j’ai l’impression que nous sommes en train de tomber
dans un piège similaire… Je ne m’explique pas autrement le fait que nous nous
apprêtons à faire ce que nous n’avons jamais fait dans notre histoire, il me
semble : bafouer tout un article (le 18) de la Déclaration des droits de l’homme, qui garantit la liberté non pas
uniquement de pratiquer une religion mais de pouvoir la manifester publiquement.
Il faut que l’heure soit grave, aux yeux
du gouvernement péquiste… Voyez-vous, on réfléchit depuis des millénaires sur
la notion de bien et de mal. On a pensé pendant quelques siècles que le mal
était d’abord en nous, idée qui
persiste dans l’esprit de certaines personnes peu éduquées que vous
me pardonnerez de citer : « Si ça sent la marde partout où tu vas, il
y a des chances que… » Mais laissons ces grossièretés d’un autre âge… Jean-Jacques
est venu et on sait maintenant que le mal est à l’extérieur… On ne s’entend
seulement pas sur son identité exacte.
On a pensé que c’est le Juif, on a pensé
que c’est le Capital… De plus en plus de gens pensent que c’est la Religion, ce
qui serait un peu problématique pour nous, Québécois… Malgré les efforts considérables
déployés, l’histoire d’avant Expo67 n’a pas encore été totalement effacée de l’esprit
des gens. Notre existence de Canadiens-français est si évidemment le fruit de l’activité
religieuse que de dire que la religion ne fait que du mal revient à identifier
le mal à notre réalité profonde. Il y a des limites à la haine de soi que nous
refusons toujours de franchir, en attendant notre consentement prochain au
suicide collectif.
Non, nous ne sommes
pas le mal, et le mal n’est pas la Religion avec un grand R, du moins pas encore… Non
le mal, tenez-vous bien, le mal c’est l’Extrémisme
religieux. Voilà bien quelque chose sur laquelle on s’entend, quelque chose
qui fait consensus. Bien sûr, bafouer
la Déclaration des droits de l’homme,
c’est quelque chose de gros. Mais l’élimination de l’extrémisme religieux, vous
imaginez!
Le problème c’est que le Québec comme peuple n’est pas seulement le
fruit de l’activité religieuse mais aussi le fruit de… l’extrémisme religieux.
Il n’y a qu’à lire les Relations des
Jésuites pour s’en rendre compte. L’extrémisme religieux, ce n’est pas
seulement des crétins qui mettent des bombes partout. Pour prendre un exemple récent, je dirais que
Gilles Kègle est un extrémiste religieux. Passer 16h par jour, sept jours par
semaine, à parcourir les lieux les plus crottés et malfamés d’une ville pour s’occuper
des pauvres parmi les plus pauvres est une action qu’on pourrait qualifier d’extrême. Et c’est la religion qui lui a
inspiré cette action, plus particulièrement le chapitre 25 de l’Évangile de
saint Matthieu.
Gilles Kègle est une figure connue. Mais à côté de lui, des
centaines d’hommes et de femmes s’adonnent à une forme d’extrémisme religieux
sans laquelle notre société ne serait pas ce qu’elle est. Vous comprenez bien
ce dont je veux parler : une forme d’extrémisme positif… Mais on se dit
que l’extrémisme négatif est tellement terrible qu’il convient de sacrifier l’autre
forme d’extrémisme pour en être gardé à jamais. Je doute qu’on y parvienne.
Cette charte ne va contribuer qu’attiser les passions, ça me semble clair. Car
voyez-vous, il y a un principe de base, rien de bien transcendant, que nous
avons un peu oublié. C’est que la possibilité du meilleur entraîne toujours la
possibilité du pire. Or le réflexe qui consiste à vouloir sacrifier le meilleur
pour être gardé du pire nous confine dans un entre-deux qui est pire que tout. Un entre-deux dans lequel notre
société est en train de s’asphyxier.
C'est remarquable que tu évoques le péché originel au même moment où un intégriste laïciste qui s'appelle Jacques Legare publie ce fatwa où il oppose le "progrès" et le péché originel:
RépondreEffacerhttp://quebec.huffingtonpost.ca/jacques-legare/religions-disparition-mefaits_b_3781373.html
Un libre-penseur-et-adepte-des-lumières. Ça ça fait mal, comme disait Édouard Carpentier.
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