vendredi 13 septembre 2013

La Charte des valeurs québécoises



Selon Max Weber, il y a deux éthiques qui doivent être présentes dans l’esprit de l’homme qui veut faire de la politique : l’éthique de conviction et l’éthique de responsabilité. La première, c’est celle qui inclut tout ce qui a trait au travail pour une cause, c’est-à-dire que l’homme qui s’engage en politique doit vouloir passionnément intervenir pour une cause en tant qu’elle-même, objectivement et surtout, dans un premier temps, sans aucune considération pour la conséquence. S’il ne possède pas la deuxième attitude éthique, ce n’est pas un homme fait pour la politique car ce n’est pas dans longtemps qu’il causera des catastrophes. Et s’il en cause, il ne remettra pas en question sa propre attitude, mais il attribuera l’échec de ses avancées au fait de la médiocrité du monde qui n’est pas capable de percevoir la grandeur de ses propositions.

La deuxième attitude représente, pour Weber, la véritable attitude politique, laquelle s’inquiète des conséquences probables de ses actes et surtout, lors de l’échec, n’attribue pas la faute au monde extérieur, mais questionne plutôt son propre mouvement.

Dans le cas qui nous occupe actuellement, à savoir la Charte des valeurs québécoises, quelle est la conviction qui la sous-tend et quelles seront les conséquences probables?
La conviction, c’est certainement que la neutralité de l’État est une avenue qui devrait maximiser le bien-être du plus grand nombre, pour parler en termes utilitaristes. Je pourrais ensuite décliner une suite de conséquences probables sur la majorité comme sur les minorités, tâche ardue qui a certainement donné lieu à de multiples débats chez nos ministres et conseillers. Je voudrais me concentrer sur une conséquence dangereuse.

Pour qu’une société subsiste, il faut une sorte de « contrat social » qui est, pour nous, la Déclaration universelle des droits de l’homme. Sur cette déclaration (qui est fortement et évidemment très imprégnée de christianisme) repose le code pénal qui est pour plusieurs, notamment Richard Martineau, une véritable bible. Comme l’a dit plus tôt Christian Sauvé, avec cette charte, le Québec dit : les impératifs moraux sur lesquels nous appuyons tout notre système politique peuvent être manipulés selon les circonstances, surtout s’il semble que le bien-être du plus grand nombre soit menacé. En somme, selon le PQ, il vaut la peine d’enlever un droit pour atteindre la neutralité. La fin justifie les moyens. Nous avions le droit de nous vêtir comme nous le souhaitions, peu importait l’endroit où nous étions, parce que nous étions des individus avec toute leur complexité. Au service de l’État, nous servons; nous ne pouvons pas servir deux maîtres.

Beaucoup de ceux qui commentent la Charte se concentrent sur les immigrants, sur le fait de la diversité culturelle et religieuse. Quand je fais affaire avec l’État, disent-ils, je ne veux pas savoir quelle est ta position religieuse, je veux juste que tu me donnes ce que je te demande : comme à un guichet, pas question de commencer à se parler de choses sérieuses, je veux juste vingt piastres.

Quand j’étais plus jeune, je trouvais que la politesse était une forme d’hypocrisie. « S’il-vous-plaît…merci… bla bla bla… », alors qu’en fait on ne veut que le sel ou une fourchette. Hypocrisie parce que la personne qui demande veut simplement que l’autre réponde à la demande et qu’il n’est pas question de savoir si cela lui plaît ou non, mais juste qu’elle le fasse. Aujourd’hui, je ne pense évidemment plus la même chose. Il me semble que la politesse, c’est reconnaître que l’autre personne n’est pas une machine et que c’est un être humain complexe qui vit ses joies et ses difficultés. En plus, le « merci » lui souhaite le salut éternel, n’est-ce pas extraordinaire, en réalité?

Enfin, je conclue rapidement en disant que tout ce qui élève l’être humain, tout ce qui met en valeur sa grandeur devrait être souhaitable. Et que jusqu’ici, d’avoir eu le droit de le dire et de l’afficher ostentatoirement a été un droit que j’ai grandement apprécié et que je n’arrive pas à croire qu’on puisse enlever par crainte des abus.

jeudi 12 septembre 2013

Ce que nous voulons

On verra bien ce qui arrivera avec le Québec… On mourra tous et on verra ce qui en est alors. L’individu doit décider lui-même. Il a accès à tout ce qui lui est possible d’avoir pour faire un choix éclairé qui déterminera son éternité. La Bible est un texte comme un autre? Soit. N’en tiens pas plus compte que ça et vis comme bon te semble… Tu mourras et tu t’éteindras, tu en es sûr. Tu auras vécu sans trop de conséquence et sans trop faire de mal à ton prochain. Des gens croient que la Bible renferme la révélation que Dieu a fait aux hommes pour qu’ils puissent se sauver. Grand bien leur fasse, si ça peut les rassurer. Il y en a eu des brillants parmi ces gens: Pascal, Leibniz, Kierkegaard… Ça n’a pas vraiment d’importance. Le concept même d’un livre qui contiendrait la révélation de ce qu’il faut faire pour ne pas tomber dans le néant te répugne. Alors tu ne vas pas aller voir dans ce livre même si des générations l’ont fait avant toi. Non, tu ne vas rien faire et telle est la sagesse. Ne rien faire. Vivre et laisser vivre. Pourrir et laisser pourrir. Tel est le fin du fin de l’intelligence eschatologique. Jouir et faire jouir sans faire de mal à personne. Tout ce qu’on ajoute à cela vient du mauvais à savoir: l’extrémiste! Celui qui est en quête d’absolu... Il n’y a pas d’absolu. Il y a ces petits moments dont il faut profiter et qui s’apparentent en gros à ce qui provoque le ronronnement d’un chat. Non seulement il ne faut pas chercher plus, mais il ne faut pas avoir l’air de dire, par le port de symboles quelconques, qu’il faudrait peut-être chercher plus. Car c’est bien ce qu’ils disent, ces symboles que l’on veut bannir: qu’il y a peut-être une réalité plus haute que ce que l’État québécois peut prendre en charge. Ce n’est pas, disons, scientifique… Et ça peut faire du mal aux gens qui alors se mettront à chercher le bonheur dans ce qui n’existe pas… Car il convient de tenir compte de cette réalité avant d’aller plus loin: Ça n’existe pas! Ce n’est pas une question de croyance. Ce sont les croyants qui croient! On ne peut pas faire mentir les mots. Il faut bien sûr ménager les pauvres d’esprit à qui on a promis le royaume de Dieu… Mais si on veut vraiment discuter sérieusement pour pouvoir débattre en toute sérénité, il faut commencer par le commencement et admettre d’emblée qu’il n’y a rien de vrai dans tout cela. Après et seulement après on pourra expliquer les motivations profondes de nos décisions pour bien faire voir que c’est le bien et seulement le bien des gens que nous cherchons. Celui des gens à la tête bien faite que de telles niaiseries choquent, bien entendu… Mais surtout le bien de ceux qui s’accrochent comme si la pleine lumière du jour les terrorisaient. Ils sont un peu comme des oisillons que nous voudrions pousser hors du nid non pas pour qu’ils s’écrasent au sol, mais pour qu’ils puissent enfin déployer leurs ailes et sentir comme il est bon de pouvoir planer hors de leur refuge de paille qui ne les protège même pas du loup. Oui, c’est surtout par amour pour ces gens que nous agissons ainsi, que nous leur enlevons leurs béquilles pour qu’ils puissent se rendre compte que leur fracture est guérie depuis longtemps. Leurs muscles pourront enfin se renforcer et ils marcheront, eux aussi, comme nous, debout et fiers. Et pour qu’ils sachent se diriger (car c’est bien beau marcher mais il faut encore savoir dans quelle direction), nous leur avons préparé un bel itinéraire qui leur permettra de savoir ce qui est important dans leur nouvelle vie. Car il faudra s’assurer qu’ils ne remplacent pas leurs valeurs religieuses par d’autres encore plus répréhensibles. Voyez, tout a été prévu. Nous nous attendions certes à de la résistance, il est toujours un peu effrayant de sortir de l’esclavage. Mais lisez bien la plume trempée dans l’amour et l’humilité de notre chevalier Richard dans le Journal de Mtl et vous serez rassurés. C’est une question de strict bon sens et rien d’autre.

La charte de l'intolérance et de la xénophobie

La plupart du temps, je suis capable de respecter l'opinion contraire à la mienne lorsque les arguments offerts sont sérieux. Mais durant les 24 dernières heures, l'estime que j'avais pour le Québécois moyen a beaucoup souffert. À les écouter dans les tribunes téléphoniques, la majorité des personnes qui appuient le projet de charte du Parti québécois sont incapable d'offrir des arguments objectifs pour étayer leur position. Ils ne disent pas que l'État doit être neutre (l'argument du Parti québécois). Au contraire, la majorité des Québécois insiste pour que le crucifix demeure à l'Assemblée nationale et c'est pourquoi le Parti québécois n'ose pas l'enlever. Ce que monsieur et madame tout-le-monde dit pour justifier sa position est l'une des affirmations suivantes:

1) La religion devrait se pratiquer en privé;
2) Les musulmanes qui portent le foulard islamique les offensent parce qu'elles refusent de faire comme les Québécois.

Jamais il n'est question de la neutralité de l'État dans l'imaginaire populaire. Si le Parti québécois recueille l'appui de la majorité de la population, c'est en raison de l'intolérance et de la xénophobie d'un segment de la population. Cela m'inquiète. Les Québécois ne semblent pas croire à la liberté de religion (qui comporte le droit de manifester sa religion en public) et à la liberté tout court de s'habiller comme bon nous semble.

Au coeur du problème est la liberté de conscience. Une personne a-t-elle la liberté de penser ce qu'elle veut? La personne qui porte un signe religieux le fait parce qu'elle pense d'une certaine façon. En l'obligeant à enlever ce signe, on est en train de lui dire qu'elle devrait penser comme tout le monde. On lui enlève sa liberté.

Il y a évidemment des limites à toute liberté. Les musulmanes ne demandent pas d'avoir le droit de s'habiller n'importe comment, par exemple avec les seins à l'air (quoique cela soit permis en Ontario, semble-t-il). Mais ce qu'on leur demande de faire est justement comme si on leur demandait de se déshabiller. Pour elles, c'est en partie une question de modestie et d'un habillement décent.

Nous avons donc un gouvernement laïciste qui cherche à imposer son athéisme et un peuple complaisant qui, sans partager l'idéologie du Parti québécois, accepte ces dérives pour d'autres motifs par ailleurs répréhensibles.

lundi 9 septembre 2013

Y a-t-il une vérité?

Jean Daujat (1906-1998) était un scientifique de formation, mais qui a consacré sa vie à la philosophie. Son l'esprit rationnel et rigoureux s'est appliqué à écarter les erreurs et à cerner la vérité objective qu'il l'exprime sous une forme compréhensible au commun des mortels. 

Son oeuvre principal, Y a-t-il une vérité?, est un traité de philosophie thomiste qui répond aux questions les plus fondamentales de l'existence (ce qu'on appelle la métaphysique), en particulier des moyens de connaissance qui nous permettent d'affirmer certaines choses non observables physiquement, tels que l'existence de Dieu, la raison de notre existence et le sens de la vie.

C'est donc un livre à la fois très conventionnel, en ce qu'il vient affirmer les principales vérités de la philosophie thomiste et de la foi chrétienne, et totalement subversif dans notre contexte post-moderne où le nihilisme et le relativisme sont devenus la norme.

Voici un extrait de l'introduction:
Il faut insister sur le caractère fondamental du problème de la vérité car nous vivons en un temps où, pour des raisons que nous étudierons longuement par la suite, un grand nombre de nos contemporains sont convaincus qu'il ne peut pas y avoir de vérité certaine et que l’intelligence humaine ne peut rien affirmer parce qu'elle ne peut pas savoir où est le vrai et où est le faux. Et c'est là ce qui entraîne le désarroi, le désespoir et la révolte de toute une jeunesse dont l’explosion en mai 1968 a surpris l'aveuglement des générations précédentes, mais non pas ceux qui s’occupaient des jeunes depuis longtemps et les connaissaient bien. C’est qu’en effet s’il n’y a rien de certain, il n'y a plus ni raison d'être certaine ni but certain de la vie humaine et cette disparition de toute raison de vivre ne peut engendrer que le désespoir et la révolte. Que les adultes et les vieillards n'accusent pas les jeunes : leur génération est responsable que ceux-ci grandissent dans un monde où toutes les voix de la philosophie, de la littérature, du théâtre, de la presse, de la radio, de la télévision viennent leur crier qu'on ne peut pas savoir où est le vrai et où est le faux et que rien n’est certain.  
S'il n'y a ni raison d'être certaine ni but certain de la vie humaine, il n'y a plus de morale : pourquoi accepter des règles dont on ignore si elles sont vraies ou fausses ? S'il n'y a plus rien de certain, il n'y a plus rien qui vaille la peine de s'y donner, de s'y dévouer, le cas échéant de s'y sacrifier : il n'y a plus qu'à jouir et à profiter. Peut-être me dira-t-on qu'en tout temps il y a eu des vices et des crimes : oui, mais ils étaient reconnus comme vices et comme crimes, tandis qu'aujourd'hui il n'y a plus un vice, plus un crime qui ne trouve quelque penseur ou quelque auteur de roman, de théâtre ou de film à la mode pour en faire l'éloge. Puis, s'il n'y a plus de vérité certaine, il n'y a plus aucune base commune sur laquelle les hommes puissent s'accorder pour fonder la vie morale, l'ordre social, la civilisation : c'est la multiplication sans fin des opinions, des écoles, des partis, des camps, des idéologies, et l'humanité devient une tour de Babel où les hommes ne se comprennent plus et où toutes les discussions sont des dialogues de sourds car on ne peut discuter qu'à partir d'un point de départ commun (qu'on observe par exemple ce que deviennent les discussions internationales entre des pays qui n’ont pas la plus élémentaire notion commune de la morale, du droit ou de la justice). 
Il ne faut donc pas s'étonner que l'humanité vive aujourd'hui une crise qui atteint les fondements mêmes de la civilisation et remet en question l'homme tout entier.  
 Voilà donc le problème fondamental auquel nul ne peut échapper et auquel tous sont obligés de réfléchir : y a-til une vérité et notre intelligence humaine peut-elle, fût-ce laborieusement, parvenir à la connaître ? C'est à cette question, dont dépend l'avenir de l'homme et de la civilisation, que ce livre a l'ambition de répondre en amenant la réflexion de tous vers ce qu'il y a de plus fondamental.

samedi 7 septembre 2013

Le clergé progressiste, l'autre ennemi du christianisme

Dans Le Soleil du 4 septembre dernier, deux prêtes écrivent que l'on devrait enlever le crucifix du salon bleu parce que les lois ne  tiennent pas assez compte des pauvres, des jeunes, etc. Cherchez la logique. Le gauchisme clérical est donc l'une des voix qui appellent à la déchristianisation du Québec. Rien de nouveau à ce sujet... Ce sont eux qui ont applaudi le plus fort les artisans de la révolution tranquille.

Cette vieille garde ultra-libérale, qui réduit le christianisme à une sorte de marxisme religieux qui n'a rien à voir avec le christianisme historique, ne voit pas pourquoi le Québec s'attacherait à ce symbole pour des raisons culturelles. Le clergé n'avait-il pas réussi à évacuer le christianisme historique de la culture québécoise ? N'ont-ils pas réussi à transformer le christianisme en mouvement social dénué de toute transcendance ? Cela fait longtemps que la vérité n'est plus proclamée en chaire. On connait les platitudes impertinentes de ces prêtres dans leurs homélies insipides, qui ont fait plus de dégâts que n'importe quel gouvernement athée et toutes les chartes des valeurs du monde, rappellant aux Québécois à chaque  année, à la messe de Noël, que le christianisme n'a rien de pertinent à leur offrir.

Ce qui reste du clergé québécois n'a pas d'attachement à notre héritage chrétien. Ils font avec la société ce qu'ils ont réussi à faire avec l'église locale : la vider de la présence de Dieu.

Sur le blog d'un catho libéral, j'ai lu une interprétation complètement différente de cet article du Soleil. L'auteur voit ces deux prêtres comme des... (attache ta tuque) fondamentalistes ! Ils auraient refusé de donner à la culture sa juste place à l'intérieur du christianisme. Comme si le christianisme provenait de la culture et non de la Révélation. Selon lui, le fondamentalisme est de faire primer les enseignements d'une religion sur toute autre chose. Je ne vois pas comment un croyant peut être autre chose que fondamentaliste selon cette définition lorsqu'on regarde les enseignements du Christ, qui exigent rien de moins qu'une dévotion entière (Mc 12:30). Donc selon cette définition, ces deux prêres sont des fondamentalistes puisqu'ils font primer leur conception progressiste du christianisme sur la culture ambiante. Ils ont au moins compris que le christianisme transcende les cultures, contrairement à l'auteur du blog en question. Mais ils se sont trompés gravement sur le message du christianisme qui n'est pas de faire la révolution.

Le crucifix doit impérativement demeurer au salon bleu. Il en va de notre identité nationale. Même si la grande majorité des Québécois ne pratique plus le catholicisme, il continue de faire partie de notre identité et le christianisme demeure la vérité.

jeudi 5 septembre 2013

Le paradoxe du crucifix à l'Assemblée nationale



Il s’agit pourtant d’un épisode célèbre…

 

Nous sommes en Judée, il y a un peu moins de 2000 ans… Comme la presque totalité des peuples du pourtour méditerranéen, les Juifs sont sous la tutelle de l’Empire. Comme à leur habitude, les Romains n’exercent pas une domination trop lourde. Habiles et pragmatiques, ils ne veulent pas que les peuples soumis aient envie de se révolter. Ils lèvent bien sûr des impôts (un empire ça se paie!), mais ils laissent aux gens beaucoup de libertés (religieuses entre autres) qui font en sorte que ceux-ci sont finalement assez contents d’être sous la domination de Rome.

 

Du moins, chez les peuples ordinaires. Mais on le sait bien (et les Romains le savaient bien aussi), les Juifs ne sont pas un peuple ordinaire. C’est un peuple fier avec une histoire glorieuse, et ils auront beau se faire offrir tous les accommodements raisonnables possibles, ils ne seront jamais heureux d’être sous la domination de qui que ce soit, fut-ce l’empire le plus puissant de l’histoire.

 

Cependant, se révolter contre Rome à cette époque, ce n’est pas exactement ce qu’on pourrait appeler une bonne idée. Aussi les mouvements séparatistes restent marginaux, même s’ils jouissent de la sympathie d’une majorité silencieuse. L’Empire est au sommet de sa puissance et il faudrait, pour arriver à s’en libérer, rien de moins que… le Messie lui-même…

 

Il faut alors s’imaginer à quoi il pourrait ressembler, question qu’on puisse le reconnaître des fois qu’il aurait envie de descendre… Depuis le temps qu’on l’attend…

 

Évidemment que Moïse reste la référence absolue quand on essaie de se figurer un sauveur, mais dans les circonstances un Josué serait des mieux venus. N’est-ce pas lui qui a pris la tête de l’armée israélite pour chasser du territoire les sept peuples qui l’occupaient? Et n’est-ce pas de cela qu’il s’agit maintenant : chasser du territoire un peuple qui l’occupe pour que les Israélites puissent en (re)prendre possession? 

 

Ça tombe bien, il y a justement un homme à ce moment qui semble parfaitement correspondre au profil recherché. Un homme qui semble avoir la sagesse et le charisme nécessaire et qui s’appelle… Josué! Nom qui signifie « Celui-qui-sauve ».

 

Ça semble trop beau pour être vrai, il faut aller y voir. À ce moment, des militants séparatistes (on les appelle des zélotes) suggèrent qu’on cesse de payer l’impôt à Rome, un peu comme des séparatistes québécois pourraient vouloir qu’on cesse de payer l’impôt au fédéral. Certains d’entre eux décident de présenter cette proposition à Josué pour voir comment il va réagir, question de savoir à quelle enseigne il loge. « Doit-on, oui ou non, payer l’impôt à Rome? » Comme c’est souvent le cas, Josué ne répond pas directement à la question. Il demande d’abord qu’on lui tende une pièce de monnaie. Puis il demande de qui est l’effigie sur la pièce. César? Eh bien « Rendez à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui appartient à Dieu. »(Marc 12)

 

Il est difficile aujourd’hui de mesurer ce que cette phrase pouvait avoir de révolutionnaire. J’ai même lu quelque part que c’est à ce moment que les Romains ont décidé de collaborer avec les autorités juives pour faire crucifier ce fauteur de trouble. Bien sûr, dans la phrase, César représente la politique et Dieu représente la religion. On parle donc de la phrase fondatrice de ce qu’on a appelé plus tard la laïcité. Séparer le politique du religieux! C’était une idée de fou furieux à l’époque. L’empereur était vénéré comme un dieu avec tout un apparat cultuel, et c’est pour avoir refusé une telle vénération qu’un nombre ahurissant de martyrs sont morts dans les arènes, bouffés par les lions ou écartelés, lors des premiers siècles du christianisme. Il en a fallu du sang pour que cette idée fasse son chemin dans les esprits et s’impose au point où elle semble aller de soi… (Dans les pays de traditions chrétiennes, s’entend… Dans les autres c'est plus difficile, l'actualité internationale est là pour en témoigner, c'est bien le moins qu'on puisse dire!)

 

Il en a fallu du sang… Et d’abord celui de l’homme qui se trouve sur ce crucifix que vous voulez enlever de l’Assemblée nationale au nom de… la laïcité. Car la phrase fondatrice de la laïcité, elle a été prononcée par cet homme qui ce trouve sur cette croix… C’est d’ailleurs en partie pour l’avoir prononcée qu’il s’y trouve… Cette phrase fondatrice de la laïcité… Au nom de laquelle vous voulez enlever cette croix… Etc. 

 

Il est étrange qu'aucun chroniqueur ou commentateur d'aucun de nos grands journaux ne relève ce drôle de paradoxe. J'en déduis qu'aucun d'entre eux n'a la culture nécessaire pour avoir quelque opinion valable que ce soit sur le sujet. Mon Dieu, jusques à quand les gérants d'estrades salariés pour guider l'opinion du peuple?

Le Québec radical

Lysianne Gagnon nous écrit ce matin dans La Presse un bon article où elle démonte que la France, qui a inventé la laïcité, entretient sans gêne des liens ouverts avec le catholicisme. La laïcité pure, explique-t-elle, n'est pas possible (ni souhaitable), puisqu'elle équivaut à vouloir faire table rase du passé pour créer l'homme nouveau.

L'homme nouveau ! C'est elle qui emploie cette expression, pas moi, et on ne doit pas s'étonner du parallèle avec le christianisme (cf. Jn 3:3, Eph 2:15), puisque l'auteur elle-même parle de cette "sacro-sainte laïcité" comme une "nouvelle religion". Mais pas n'importe quelle religion : c'est une pâle imitation du christianisme, l'homme qui tente d'atteindre l'inatteignable par ses propres forces (l'utopie athée) alors que le paradis lui est proposé par Celui qui a le moyen de l'offrir. Il n'est pas surprenant que de tels idolâtres s'attaquent à la véritable religion, comme les adorateus de Baal qui ont voulu éliminer tous les prophètes de Yahvé (1 Rois 18).

Il se trouve que le Québec, par une étrange ironie, est devenu plus impie que la France républicaine.  Il est passé de l'intégrisme catholique à l'intégrisme laïque en un clin d'œil. Les dogmes ont changé, mais la mentalité radicale est demeurée. Le Québec se compare à un enfant doué qui peut accomplir de grandes choses s'il demeure vertueux, mais pour qui n'importe quelle bassesse est possible s'il vire mal. Plus on tombe de haut (car l'Évangile est ce qu'il y a de plus sublime), plus on tombe bas.