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mercredi 28 août 2013

La morale scientiste

Notre société est très fière de fonder ses décisions sur la science et la raison. Du moins c'est ce qu'elle pense. Les études scientifiques sont brandies à chaque fois qu'un débat s'engage sur une question, même les questions où la science n'offre aucune réponse pertinente. Sauf lorsque la science offre des réponses qu'on ne veut pas entendre.

Je lis aujourd'hui que le cannabis est dangereux pour la santé, contrairement à ce que l'on croirait à écouter les personnes qui militent en faveur de sa légalisation. Soyons clair: je n'ai rien contre l'usage modéré du cannabis par une personne responsable pour les bonnes raisons (il est assez rare de réunir toutes ces conditions), même si je n'en fais pas usage personnellement. Ce qui me dérange, c'est que dans le débat entourant le cannabis, on a simplement accepté l'opinion de la majorité comme la vérité, ce qui est peut-être inévitable dans une démocratie. Mais la vérité ne se décide pas par un vote. 

La science n'est pas capable de répondre à toutes les questions, mais elle peut nous dire avec un haut degré de fiabilité si une substance est nocive pour la santé. Le problème est que la légalisation du cannabis est l'un des enjeux phares du mouvement progressiste chez les jeunes. Le cannabis est symbolique du style de vie hédoniste et individualiste de la génération X qui exerce un poids de plus en plus grand en politique. Des études scientifiques ne suffiront pas à détrôner cette idole qui représente tout un style de vie. Le chef du Parti libéral du Canada, en déclarant fièrement avoir fumé du pot plusieurs fois depuis qu'il siège au Parlement, sait très bien ce que représente cette substance pour son électorat jeune.

Il en est de même avec de nombreux autres enjeux sociétaux. Des études à profusion démontrent les effets négatifs de l'avortement et de la pilule contraceptive sur le corps d'une femme. Ces études, lorsqu'elles réussissent à se faire publier, passent sous le radar. L'avortement et la pilule sont des enjeux symboliques du féminisme; on préfère faire l'autruche que détrôner ces idoles et remettre en question le féminisme. Qui sait, on serait peut-être obligé par la suite d'étudier l'impact négatif de la garderie sur le développement d'un poupon, l'impact que pourrait avoir sur l'éducation d'un enfant le fait d'être enfant unique, bref tout le modèle de la famille occidentale. On craint ce que la science pourrait nous dire. Dans le dossier du mariage homosexuel, non seulement nous ne sommes pas prêts à examiner l'impact sur un enfant d'être élevé par deux adultes du même sexe, mais le scientifique qui oserait étudier cette question serait immédiatement discrédité et taxé d'homophobe si son étude ne concorde pas avec l'opinion reçue.

Si nous avons réussi à nous libérer du tabac, c'est parce que nous avons accepté de regarder la réalité en face. Nous avons compris que l'abus de cette substance nous causait de nombreux problèmes. Cette émancipation a été difficile en raison du rôle social que joue le tabac. Mais nous nous sommes laissés convaincre par une juste appréciation des faits.

Comme je l'ai mentionné, la science peut nous accorder un éclairage pour apprécier la vérité, mais pour certaines questions seulement. De nombreuses autres questions plus importantes ne peuvent pas être réglées par une étude scientifique. Dans ces dossiers, notre société scientiste est d'autant plus dépourvue de direction qu'elle n'a personne pour lui indiquer la vérité même si elle était prête à l'écouter. C'est le cas pour le dossier de l'euthanasie. Qu'est-ce que la science peut nous dire sur le bien ou le mal d'une telle pratique? Rien du tout. Donc, nous sommes dirigés par l'opinion de la majorité qui se fait influencer par les faiseurs d'opinion (les médias) qui ont leur agenda propre. Il se trouve que seulement 33% des mémoires présentés à la Commission mourir dans la dignité se prononçaient en faveur de l'euthanasie. Donc, parmi tous les experts et toutes les personnes qui ont réfléchi à la question, seulement un tiers pense que c'est une bonne idée. 

Mais je disais que la vérité ne se décide pas par un vote à main levée. Malheureusement, dans une société relativiste, nous n'avons aucune autre façon de décider les questions morales, puisque la science ne nous dit rien sur ces questions. Pourtant, la plupart des gens acceptent encore que le bien et le mal existent. Sans direction morale, la société est un navire ballotté au gré des vents qui finira par s'échouer. C'est évident que nous nous dirigeons vers cette fin, particulièrement lorsqu'on regarde notre taux de suicide parmi les plus hauts en occident et notre taux de natalité parmi les plus bas.

Les sciences physiques ne sont rien d'autre qu'une appréciation raisonnable des faits manifestés dans le monde matériel. C'est le christianisme qui a donné à la science le prestige dont elle jouit et qui l'a perfectionnée en mettant au point la méthode scientifique. De même, la morale est l'appréciation de la valeur du comportement humain. L'antiquité nous a donné un système éthique très développé, mais c'est le christianisme qui nous l'a transmis et qui l'a perfectionné. En fait, le christianisme nous présente le système moral le plus parfait qui soit tel qu'exprimé dans le Sermon sur la montagne.

samedi 24 août 2013

Antipoison: l'arnaque de l'utopie athée

Un collaborateur a accepté d'afficher un livre qu'il a écrit en 2008 mais qui dort depuis ce temps sur son disque dur. Le livre s'intitule Antipoison: l'arnaque de l'utopie athée. Il s'agit d'une lecture suivie de Pour en finir avec Dieu de Richard Dawkins (The God Delusion) et du Traité d'athéologie de Michel Onfray. Le tout se termine avec une correspondance à sens unique avec le chroniqueur Richard Martineau qui s'est tenue pendant quelques semaines, en 2007.

Voici un extrait de l'introduction (les mots en italiques sont des extraits du livre de Richard Dawkins):
« Imaginez, avec John Lennon, un monde sans religion... Pas de bombes suicides, pas de 11 Septembre, pas de Croisades, pas de chasses aux sorcières, pas de Conspiration des poudres, pas de partition de l’Inde, pas de guerres israélo-palestiniennes, pas de massacres de musulmans serbo-croates, pas de persécution de juifs, pas de "troubles" en Irlande du Nord, pas de "crimes d’honneur", pas de télévangélistes au brushing avantageux et au costume tape-à-l’œil. »
Imaginez avec John Lennon... Non rien de tout ce qu’il vient d’imaginer parce que rien du tout : l’humanité éteinte par ennui et dégoût de vivre. On jurerait l’argumentaire d’un futur D.I.C. du Meilleur des mondes qui prônerait l’application du système qu’Aldous Huxley décrit génialement, non pas comme un idéal paradisiaque, mais comme un cauchemar, comme la forme idéale du totalitarisme à venir. Dawkins comme Onfray sont des prophètes de ce système futur. Ils attendent son avènement avec la même ferveur que les prophètes de l’Ancien Testament attendaient le Messie. Mais pourquoi s’arrêter en si bon chemin dans la description du meilleur des mondes de Dawkins : « Imaginez... » (Oh! il sait sur qui s’appuyer, notre beau Richard, pour s’attirer la sympathie du lectorat qu’il vise. Imaginez, John Lennon! Est-ce que quelqu’un
ici va oser s’attaquer à John Lennon?) « Imaginez, pas de talibans pour dynamiter des statues anciennes, pas de décapitations publiques des blasphémateurs, pas de femmes flagellées pour avoir montré une infime partie de peau... » C’est tellement beau qu’on se sent poussé à compléter son énumération pour donner un tableau plus général de cet Empyrée uchronique : « Imaginez, pas d’hôpitaux, les pauvres et les malades qui crèvent sur le bord du chemin sans que personne ne s’arrête; la loi du plus fort appliquée systématiquement et donc l’humanité débarrassée de ses membres les plus déficients; imaginez un monde sans Sixtine, sans les messes de Bach et de Beethoven, sans les Cathédrales, ces verrues qui nous cachent le paysage; imaginez Québec, un simple poste de traite devenu un immense La Baie pour approvisionner les Européens en cochonneries. Un monde sans université, sans théâtre... Un monde où nous ne serions plus scandalisées de voir des femmes se faire flageller parce que cette pratique seraient tellement la norme qu’elle ne serait pas plus choquante que celle d’un chien qui mord un facteur. » Le rôle de l’Église dans la mise en application d’institutions aussi banales que l’Université, l’Hôpital et le Théâtre moderne n’est plus à démontrer. J’insiste sur les deux premiers: l’Université et l’Hôpital... Difficile d’imaginer comment pourrait vivre les biologistes et les généticiens sans ces institutions... Et donc on pourrait dire : « Imaginez, pas de Richard Dawkins! » Quoi que bien sûr, un individu de ce type aurait trouvé une autre façon de tout salir, tout comme les hommes auraient trouvé d’autres prétextes que la religion pour s’entretuer, ainsi que l’illustre un demi-siècle de goulags, de maoïsme, et de khmers.

Car on verra bien que c’est ce qu’il est d’abord, notre Richard : un petit salisseur animé d’un orgueil colossal qui transparaît dès les premières lignes de l’introduction.
« J’ai idée – enfin je suis sûr – qu’il se trouve autour de nous une multitude de gens qui ont été élevés dans une religion ou dans une autre qui ne les rend pas heureux, à laquelle ils ne croient pas, ou qui les préoccupe pour tout le mal qui est fait en son nom; des gens qui ont vaguement envie de quitter la religion de leurs parents et qui aimeraient pouvoir le faire, mais qui tout simplement ne se rendent pas compte que c’est possible. »
Si Dawkins avait écrit ces mots dans le Québec d’il y a cent ans, on aurait pu applaudir. Mais, allô! on est en 2008, mon Richard, ce qui fait qu’à part pour les gens pris dans des sectes (mais pour Dawkins le relativiste, il n’y a pas de différence entre sectes et religions), il est assez facile aujourd’hui pour un jeune de dire basta! à la religion de ses parents. C’est même le contraire, aujourd’hui, qui est étonnant : lorsque le jeune décide d’embrasser la foi de ses géniteurs, consciemment, volontairement... Je connais peu de gens qui, à vingt ans, sont encore catholiques uniquement parce que leurs parents le sont. Pas que je ne connaisse pas d’enfants de catholiques qui aient décidé de le demeurer. Dans de tels cas, ce qui s’est passé, c’est quelque chose que Dawkins ne semble pas concevoir : c’est que la religion en question a été bien montrée par les parents. Ils n’ont pas été catholiques uniquement parce que leurs parents l’étaient eux-mêmes sans trop savoir pourquoi. Car alors, il est presque sûr que des enfants d’aujourd’hui vont lâcher. Pourquoi? Parce que les pressions extérieures, du moins ici, au Québec, sont largement antireligieuses. Entrez dans une classe du secondaire et dites : aujourd’hui nous allons parler de la Bible et écoutez la rumeur qui va suivre. Dawkins parle comme si la réaction devait consister en un concert d’applaudissements. Il s’adresserait alors à l’étudiant plus lucide que les autres qui serait fâché devant une telle perspective mais qui n’oserait pas parler de peur de se faire excommunier. En tant que prof, je peux vous dire que c’est exactement le contraire qui est vrai. L’étudiant qui a envie de se faire parler d’Abraham est mieux de ne pas en faire part s’il ne veut pas se faire ridiculiser jusqu’à la fin de son secondaire.

Dawkins a réussi son coup puisqu’il a vendu deux millions d’exemplaire du livre que je m’apprête à décortiquer. Il vient d’arriver en traduction et je lui prévois un succès monstre ici, au Québec. On sait à quel point les Québécois aiment se faire dire qu’ils sont courageux... Qu’ils sont uniques... Qu’ils sont marginaux... Pour reprendre une métaphore musicale, le public de Dawkins me fait penser à une foule qui assisterait à un show soi-disant underground au Stade Olympique... « Quoi, je pensais être le seul à connaître ce groupe à Montréal! » Non, à bien y penser il ne se dirait pas ça... Non, il serait là, au Stade, avec 60 000 personnes autour de lui, et il continuerait de croire qu’il est au premier show que Nirvana a donné aux Fouf en 93 devant une cinquantaine de spectateurs. Courage! leur dirait Dawkins! Vous n’êtes plus seuls. Quoi! vous avez besoin d’un télévangéliste inversé pour prendre conscience de ça? 

samedi 17 août 2013

Les athées sont-ils intelligents?

La petite tempête médiatique qui s'est soulevée à la suite d'une étude démontrant que les athées seraient plus intelligents que les croyants a suscité une réaction du directeur des communications du diocèse de Québec, monsieur Jasmin Lemieux-Lefebvre, que je connais pour l'avoir rencontré à quelques reprises. Monsieur Lemieux-Lefebvre essaye tant bien que mal avec les moyens qu'on lui donne de remettre les choses en perspective. J'aime beaucoup sa phrase "Un peu de science nous éloigne de Dieu, beaucoup de science nous y ramène", qui est totalement vraie, si on se fie aux plus grands scientifiques de l'histoire.

Devant un autre public, il aurait pu aborder la question différemment. Il aurait pu insister sur le fait que l'intelligence (au sens commun du terme) ne donne aucune garantie de connaître la vérité. Même les plus intelligents se trompent. À l'inverse, il arrive que des personnes simples réussissent à mieux cerner une question grâce à leur capacité d'aller droit au but, alors que la personne intelligente se perd dans les méandres de son raisonnement et arrive à compliquer même la question la plus simple. "J'aime les paysans, dit Montesquieu, ils ne sont pas assez savants pour raisonner de travers".

Les personnes simples sont particulièrement capables de cerner les vérités qui ne s'apprennent pas empiriquement. Dieu, qui prend un malin plaisir de remettre les hommes à leur place, cache ces vérités aux sages et aux prudents et les révèle aux simples (Lc 10:21). C'est aux enfants qu'il donne le secret du bonheur (Mt 18:3), il renverse le trône des puissants et il élève les humbles (Lc 1:52).

Le sens commun du mot "intelligent" nous réfère surtout à cette faculté intellectuelle de traiter des données, de faire des opérations mathématiques, de résoudre des problèmes mentaux. Le sens biblique du terme "intelligent" signifie "celui qui comprend", surtout celui qui comprend le sens de la vie. Dans le sens biblique du terme, l'athée est la personne la moins intelligente au monde. On l'appelle "l'insensé" (Ps 14:1), parce qu'il n'a pas compris la chose la plus élémentaire de l'existence.
Je détruirai la sagesse des sages, et j'anéantirai la science des savants. Où est le sage? où est le docteur? où est le disputeur de ce siècle? Dieu n'a-t-il pas convaincu de folie la sagesse du monde? Car le monde, avec sa sagesse, n'ayant pas connu Dieu dans la sagesse de Dieu, il a plu à Dieu de sauver les croyants par la folie de la prédication. (1 Cor 1:19-21)

jeudi 15 août 2013

La divinisation de la science

On vient de publier une "étude" selon laquelle les croyants seraient moins intelligents que les athées. Si le raisonnement critique fait partie de l'intelligence, je pense qu'il vient de prendre une débarque dans cette étude. Demandons-nous pourquoi, en premier lieu, on a choisi de faire une telle étude. Est-ce même dans le domaine du possible que la sorte de personne (un athée, sans doute) qui voudrait se poser une telle question n'ait pas dès le départ confondu son préjugé avec une hypothèse scientifique qui se voit automatiquement confirmée? Une telle étude, par le fait même qu'elle est menée par des scientistes (à distinguer de scientifiques), n'a pas plus de crédibilité que les nombrables études faites par des Nazis qui démontrent que la race arienne est la plus intelligente de toutes.

Est-ce une pure coïncidence que l'on y retrouve la phrase suivante:
"58% de scientifiques américains choisis au hasard ont exprimé un scepticisme ou un doute par rapport à l'existence de Dieu. Cette proportion est passée à presque 70% chez les scientifiques les plus éminents", selon une étude de 1916."
Selon une étude de 1919?? Ai-je bien lu? Et pourquoi parle-t-on ici de scientifiques en particulier? L'étude ne tente pas de prouver un lien entre l'intelligence et le fait d'être un scientifique. Les auteurs ont pour préjugé que les scientifiques sont plus intelligents et il se trouve, comme par hasard, que ces auteurs se prennent pour des scientifiques. Pour simplifier leur sophisme: les scientifiques sont intelligents, les scientifiques sont athées, alors les personnes intelligentes sont athées. Exit la logique et la méthode scientifique, nous sommes sur le terrain des croyances.

Cette "étude" grossière démontre que nous avons affaire à des scientistes (et non des scientifiques) qui affirment leur admiration pour un principe qu'ils appellent la "science" et qu'ils redefinissent arbitrairement pour exclure le théisme. L'admiration de la science ne peut pas provenir elle-même de la méthode scientifique. Le scientifique parfait serait un robot qui ne tirerait aucun avantage à confirmer ou infirmer une hypothèse. Dans ce sens, cette admiration nuit à l'objectivité des résultats obtenus. Le scientiste est une personne religieuse comme toutes les autres personnes de la planète. Son système religieux est un amalgalme de nominalisme, de matérialisme et de nihilisme. Il pense que la science peut donner une réponse satisfaisante à toute question qui mérite d'être posée. En somme, il divinise la science. On pourrait même aller jusqu'à dire que les scientistes ne sont pas du tout athées, puisqu'ils attribuent à la science des qualités divines. Cette tentative de démontrer qu'ils sont plus intelligents que les croyants n'est rien d'autre qu'un acte de dévotion envers la Science, une sorte d'idolatrie. Se vantant d'être sages, ils sont devenus fous (Rm 1:22).

La question n'est pas: "êtes-vous croyant?" mais "en quoi croyez-vous?". De même, si on ne croit pas en Dieu, on croit en une idole que l'on met à la place de Dieu, en l'occurence la Science. Donc, l'étude n'a pas de sens, puisqu'elle repose sur une distinction qui n'existe pas, c'est-à-dire l'idée qu'il y a des personnes croyantes et des personnes incroyantes.

Enfin, je voudrais remarquer que l'on a tendance à surfaire ce qu'on appelle l'intelligence, c'est-à-dire cette capacité du cerveau de traiter de l'information. Cette faculté est fort utile, mais elle ne donne aucune garantie de connaître la vérité, surtout celles qui lui sont inaccessibles directement et qui doivent nous être révélées. Je ne peux pas m'empêcher de terminer avec cette fabuleuse citation:
"La doctrine de la croix est une folie pour ceux qui périssent; mais pour nous qui sommes sauvés, elle est une force divine. Car il est écrit : " Je détruirai la sagesse des sages, et j'anéantirai la science des savants." Où est le sage? où est le docteur? où est le disputeur de ce siècle? Dieu n'a-t-il pas convaincu de folie la sagesse du monde? Car le monde, avec sa sagesse, n'ayant pas connu Dieu dans la sagesse de Dieu, il a plu à Dieu de sauver les croyants par la folie de la prédication. Les Juifs exigent des miracles, et les Grecs cherchent la sagesse; nous, nous prêchons un Christ crucifié, scandale pour les Juifs et folie pour les Gentils, mais pour ceux qui sont appelés, soit Juifs, soit Grecs, puissance de Dieu et sagesse de Dieu. Car ce qui serait folie de Dieu est plus sage que la sagesse des hommes, et ce qui serait faiblesse de Dieu est plus fort que la force des hommes." (1 Cor 1:18-25)

lundi 5 août 2013

Croire qu'on sait

M. Joseph Facal n'est pas convaincu. On comprend qu'il n'en a pas du tout envie. Les raisonnements qu'il défend dans son article d'aujourd'hui sont d'une pauvreté et d'une mauvaise foi ahurissantes, venant d'un homme de cette stature. Je comprends qu'on puisse ne pas croire. Ce qui m'étonne c'est de voir autant de gens, par ailleurs brillants, parvenir à défendre des sophismes aussi grossiers lorsque vient le temps de parler de la foi. Qu'un homme comme Joseph Facal puisse avaler les non-arguments d'un Richard Dawkins sans même grimacer me renverse toujours. Il y en a des arguments valables pour défendre l'idée de l'inexistence de Dieu, mais ce ne sont presque jamais ceux-là qui sont présentés. Ce sont toujours des actes de foi tellement gigantesques que le concept de transsubstantiation a l'air, à côté, d'une évidente banalité. Qu'ils parviennent à prendre ces actes de foi pour des faits indiscutables, fruits d'un raisonnement scientifique rigoureux et implacable, a quelque chose qui tient de l'inexplicable.

J'ai quand même renvoyé ceci à M. Facal:

"Bonjour,


Je ne comprends pas vos objections. « Soit Dieu agit, soit il n’agit pas. » Vous êtes un père de famille, vous devriez comprendre. Parfois il convient de sévir, et parfois non. Parfois il faut faire preuve de souplesse, parfois de fermeté. Parfois on achète la bebelle que l’enfant nous demande et parfois non. Un temps pour chaque chose. Si l’homme est libre, on peut concevoir que Dieu le soit aussi.

Par ailleurs, vous dites que la probabilité que Dieu existe est plus petite que celle qu’il n’existe pas. Il s’agit d’un postulat que Dawkins martèle à maintes reprises dans son livre, et qu’il n’appuie sur absolument rien. À force de se le faire répéter, on finit par le croire, surtout si elle provient d’un « grand scientifique » habitué de faire reposer ses conclusions sur un raisonnement solide et élaboré de bonne foi. Ce n’est pas le cas avec Dawkins. Son ouvrage est parsemé d’actes de foi qu’il présente comme des conclusions obtenues des suites d’une rigoureuse observation des faits. Sa méthode consiste essentiellement à faire croire au lecteur qu’il sait : la fameuse double ignorance socratique. Tandis que l’acte de foi honnête et lucide consiste à savoir qu’on croit. Honnêtement, je suis étonné que la malhonnêteté intellectuelle dans God Delusion ne vous soit pas apparue plus flagrante.

Finalement vous écrivez : « le non-croyant qui s’interroge est plus rassurant que le croyant qui ne questionne jamais les fondements de sa foi. » Parce qu’il n’y a que ces deux alternatives? Il peut être bon de savoir que le « saut de la foi », pour reprendre l’expression de Kierkegaard, ne signifie pas qu’on cesse de s’interroger sur les fondements de quoi que ce soit, surtout pas de la foi. Saint Augustin n’a pas mis son cerveau à off après sa conversion. J’ajoute qu’il m’est arrivé quelques fois de rencontrer des non-croyants qui s’interrogeaient assez peu sur les fondements de leur incroyance (ou sur l’absence de fondement de leur croyance, c’est selon). Une fois qu’ils avaient dit : « C’est d’la marde tout ça », il ne se passait plus grand-chose.

Ce n’est pas votre cas et je souhaite de tout cœur que votre quête vous mène à bon port!"



Je ne sais pas s’il a saisi l’euphémisme « il m’est arrivé quelques fois… » C’est en réalité ce qui se produit avec 90% des gens que je rencontre.

samedi 3 août 2013

Religieux par la science

Louis Cornellier, qu’il m’arrive d’apprécier, parle dans sa chronique d’aujourd’hui de la coexistence entre la science et la religion. On sait que le Devoir est lu par des gens instruits. Aussi est-il assez triste qu’on soit encore obligé d’expliquer en 2013 que science et religion ne sont pas contradictoires. Cornellier nous parle de Stephen Jay Gould et de son principe de non overlaping magisteria (NOMA, à ne pas confondre avec le musée). Je suis à peu près d’accord avec ce principe dans ses grandes lignes. Mais il ne faudrait pas établir entre les deux disciplines une frontière trop étanche.Comme d'habitude ce texte a été envoyé au principal intéressé.

La science est censée nous montrer le chemin. C’est son rôle. Je veux dire qu’elle est censée orienter notre esprit de façon à ce que l’on adapte notre comportement de manière à réussir notre vie. Savoir beaucoup de choses, mais pourquoi? Pour briller en société? Gagner des prix? Les transmettre à d’autres qui ne sauront pas plus que nous quoi faire avec? En bout de ligne, il me semble qu’on doit savoir des choses pour bien diriger sa vie, question de la RÉUSSIR. Je lis toujours un peu de terreur dans les yeux des gens lorsque j’aborde ce concept. « Quoi on peut rater notre vie? » Ça va certes à l’encontre du relativisme ambiant. Car comment établir des critères selon lesquels on pourra dire qu’une vie a été réussie ou ratée? Des critères sûrs et indiscutables? « Ça dépend de chacun! » Il y a des gens qui semblent convaincus que le but de la vie est d’accumuler des images de pornographie juvéniles sur leur disque dur. Va-t-on dire : « Si c’est ça qui est bien pour lui, qui sommes-nous pour dire que c’est pas correct »? Eh bien croyez-le ou non, c’est bien ce que je me suis déjà fait répondre, et pas seulement une fois. On prie pour obtenir la grâce d’une bonne mort lors de la quatrième dizaine des Mystères glorieux. J’imagine qu’il ne s’agit pas de se souvenir avec tendresse sur son lit d’agonie des milliers d’heures qu’on a passées à regarder des images pixellisées d’enfants abusés par des mononcles damnés.

La question qu’on pourrait se poser est : Dans quoi as-tu mis le meilleur de ton être? « Là où est ton trésor, là aussi est ton cœur », dit le Christ sur le mont des Olives. Si tu as mis le meilleur de toi-même (le meilleur de ton temps, de ton énergie, de ta fortune, de tes pensées) dans la fente d’une machine de vidéo-poker, je doute qu’on puisse dire que tu as réussi ta vie. Qu’importe ce que les autres disent, bien évidemment. Mais je doute que ta conscience, sur ton lit de mort, te fasse de high-fives en te disant : « Bravo champion, ça c’était une vie bien remplie. » La conscience est un juge bien plus sévère que l’opinion publique. Il est étonnant de voir à quel point des gens sont capables de la faire taire, mais je crois qu’elle n’en sort que plus bruyante lors de l’agonie, alors que nos forces de refoulement sont épuisées et qu’elle a le champ libre pour nous dire ce qu’elle a passé notre vie à se retenir de nous dire.

Je ne dis pas ça pour consoler les gens qui auraient pu être victime d’un bourreau s’en étant presque sorti avec les honneurs et vivant avec l’apparence de la plus parfaite sérénité. « Ne vous inquiétez pas, il aura son compte! La joke qu’on appelle la justice humaine a dû se retenir pour ne pas lui donner une médaille mais sa conscience le jugera sévèrement. » Je dis seulement qu’on peut réussir sa vie selon des critères qui ne sont pas relatifs à chacun.

Et que c’est ce que la science nous enseigne. Je prends souvent l’exemple de la chenille. Une chenille qui n’est jamais devenue papillon n’a pas réussi sa vie. La chenille est censée être une phase transitoire. Si on s’arrête à la phase transitoire, on s’est arrêté en chemin et c’est ce que j’ai défini précédemment comme étant l’idolâtrie. Inaccomplissement.

Il faut, pour réussir sa vie, aller au bout de « voie étroite » dont parle le Christ et que très peu trouvent. Ce qui signifie qu’il faut d’abord trouver cette voie, et ensuite aller au bout. Deux étapes donc, et la science nous aide pour la première. L’évolution, plus particulièrement.

Quand je parle d’évolution, je ne parle pas seulement du vivant. Ce dont on parle peu et qui m’apparaît évident, c’est l’évolution pré-biologique. Il y a d’abord des particules élémentaires, fermions et bosons. Les fermions vont faire la matière tandis que les bosons sont des particules de forces. L’électron est un fermion, mais pas le proton ni le neutron. Ces derniers sont formés de l’union de trois fermions, plus particulièrement des quarks. Il y a donc une évolution puisqu’un proton est dans une forme plus complexe qu’un quark. Puis des électrons, des fermions fondamentaux, sont captés par des protons et « orbitent » autour. S’ils sont captés et qu’ils peuvent former cette nouvelle réalité qu’on appelle l’atome, c’est parce qu’ils ont une charge électrique absolument égale à cette du proton, mais de signe opposé, comme on l’apprend au secondaire. Pourquoi? Les électrons, qui sont une forme de fermion qu’on appelle lepton, n’ont pourtant rien en commun avec les protons, formés de trois fermions d’un type totalement différent qu’on appelle quarks… Alors? Mystère total. On sait seulement que s’il n’en était pas ainsi, l’univers ne serait qu’une soupe de particules chargées… Mais ça c’est une autre histoire. Ce que je veux mettre en évidence, c’est la complexification (donc l’évolution) pré-biologique. Jusque là, il n’y a que des atomes simples, de l’hydrogène et de l’hélium. Les atomes plus complexes (l’oxygène, le carbone et tous les éléments du tableau périodique jusqu’au fer), vont se former par nucléosynthèse dans les étoiles. Puis certains de ces atomes vont s’unir ensemble pour former une nouvelle réalité plus complexe encore : la molécule.

Complexification. Évolution. C’est évident. Si on n’en parle pas, c’est parce qu’elle ne peut pas s’expliquer par la sélection naturelle. Il est totalement absurde de parler de « survie » du proton ou de l’électron… J’aurais envie de commenter mais je continue…

Des molécules vont s’unir pour former des cellules. Alors apparaît l’un des deux moments majeurs de cette histoire : l’apparition de la vie. L’évolution ne commence pas à ce moment, elle continue, ayant commencé au Big bang qu’il est très légitime d’assimiler au Fiat lux même si j’ai horreur du concordisme systématique. Elle continue, poussée par une force que j’ai toujours trouvé stupidissime d’assimiler au hasard, ce dieu des imbéciles comme l’appelait Bloy. Une force qui fait en sorte que les individus qui y sont soumis ont peut à y faire. Le poisson ne décide pas de sortir de l’eau pour devenir un amphibien. Le vivipare ne décide pas de garder son œuf dans son ventre pour le protéger du danger. La girafe ne décide pas de s’allonger le cou pour atteindre les feuilles plus hautes. L’évolution est subie… Jusqu’au second moment majeur de l’histoire après l’apparition de la vie : l’apparition de la liberté. Si on situe cet événement dans le schème ci-dessus, on peut définir la liberté par la possibilité qu’on a de sortir de l’élan évolutif. On ne subit plus l’évolution, on accepte ou non d’y prendre part.

L’homme est au bout de la chaîne, mais je suis à peu près d’accord avec Nietzsche lorsqu’il dit que l’homme est, comme la chenille, dans une phase transitoire. C’est ce qu’il définit comme la phase à atteindre que je trouve digne d’un ado attardé qui trippe encore sur les X-Men. J’imagine que c’est l’effet normal du rejet du culte des saints : nous les faire remplacer par des super-héros…  (Je rappelle que Nietzsche provenait d’un milieu protestant fervent et que son père était pasteur, comme Kierkegaard d’ailleurs, qui a réagi avec beaucoup plus d’élégance.) En tout cas, on est appelé à atteindre un stade supérieur. Comment? Encore une fois le schème évolutif (donc la science) nous éclaire un peu.

Il y a toujours, lors du passage d’un stade à un autre, une intériorisation-de-l’immédiateté--pour-aller-au-delà. D’abord, la corne de l’exosquelette est intériorisée pour augmenter la mobilité de l’animal (aller au-delà). Ensuite l’eau est intériorisée par le poisson pour aller au-delà : la terre ferme.

Ce que ça nous dit concrètement c’est qu’il faut une intériorisation si on veut continuer à évoluer. Autrement, on va se garocher à gauche et à droite sans jamais se poser de question et qu’on va stagner au stade animal. L’état « d’entre-deux » est très inconfortable pour l’homme, comme le faisait remarquer Pascal. Dès lors, il n’y a que deux moyens de se sortir de cet inconfort : atteindre le stade supérieur ou se laisser retomber au stade inférieur, celui du mammifère. Le bienheureux est celui qui ne souffre plus du tiraillement insupportable de « l’entre-deux » : il a atteint le stade supérieur, même si la gravité se fait encore sentir. Le mammifère (que Platon appelait le gros animal) est celui qui a réagi au tiraillement en exerçant sa liberté de dire « non » à ce processus méga-millénaire qu’on appelle l’évolution. « J’arrête ça là. Mammifère, c’est déjà pas mal! » Car s’il y a une chose que la science évolutive nous enseigne c’est que l’évolution ne se fait pas dans le confort. Il faut un état de crise pour que ce soit possible. C’est pourquoi les vies de saints sont généralement aussi mouvementées… Et qu’elles sont ponctuées de longs moments d’intense intériorité… Intériorisation-pour-aller-au-delà, disais-je… Au-delà de quoi? Peut-être du temps. Pour atteindre l’Éternité. De béatitude, si possible. La religion catholique n’a jamais dit autre chose.

dimanche 28 juillet 2013

La science comme croyance

Le 26 juillet dernier, David Doyon, "démocrate et souverainiste québécois", a publié dans le Huffington Post un texte peu original dont je reproduis certains extraits pour les commenter.
De plus en plus, la politique se polarise. Je dirais même qu'elle se radicalise. Aux États-Unis, les républicains renient la science parce que ce qu'elle affirme ne correspond pas à ce que les membres de ce parti aiment croire. On est dans les croyances. Exit les faits. Les changements climatiques? C'est quoi ça?... La théorie de l'évolution de Darwin? C'est n'importe quoi, on le sait...
Bref, on préfère les illusions climato-sceptiques et créationnistes aux faits.
L'opinion est aussi importante que la réalité.
[...]
La Terre est ronde. Les changements climatiques, ce n'est pas du vent. L'Homme est devenu ce qu'il est par l'évolution; il n'est pas arrivé comme tel grâce à la création de Dieu... Il y a encore des faits. Et on ne s'intéresse plus à l'Histoire. L'Histoire est la gardienne des faits. Qui a dit que si nous ne savons pas d'où nous venons, nous ne saurons pas où s'en aller?

Des faits, vraiment?

Les croyants ont une idée maîtresse qui est le principe de toute leur connaissance. Cette idée est Dieu, dont l'existence peut être démontrée par la raison seule (par exemple, les cinq preuves de Thomas d'Aquin). Il en découle que toute chose qui existe doit son existence à la Première Cause: un Dieu créateur.

Un "réaliste" comme ce David Doyon nous arrive, nous affirme certaines choses qu'il prétend connaître grâce à ce qu'il appelle la science. Il sait que Dieu n'a rien créé. C'est un fait établi.

Quelle est son idée maîtresse, le principe de sa connaissance? Il s'appuie sur ce qu'il appelle la science. Ou plutôt sur ce qu'il a entendu dire de la science. On comprend que ce David Doyon ne connaît probablement rien à la science, mais place toute sa confiance en ceux qui lui rapportent ce que la science aurait supposément découvert. Lui, personnellement, n'en sait absolument rien. Il n'a rien constaté de ses deux yeux, il n'a jamais vu son poisson rouge évoluer en lézard. Bref, il est dans le noir, mais il a décidé de croire les gens qui l'entourent et qui lui ont dit que l'évolution a créé l'homme.

Lequel des deux fondements vous paraît le plus solide? D'un côté vous avez la pure et infaillible logique de Saint Thomas, qui démontre sans la moindre possibilité de doute que Dieu existe. Si Dieu existe, il a tout créé, y compris l'homme. De l'autre côté, vous avez des rumeurs de gens qui connaissent des gens qui auraient supposément constaté des choses avec leurs cinq sens et sont arrivés à des conclusions assez étonnantes sur l'origine de la vie, par ailleurs facilement réfutées par la raison, en l'occurrence la mathématique qui nous dit que les probabilités que la vie soit apparue "au hasard" sont celles d'une impossibilité statistique.

Gageons que les "faits" de David Doyon, démocrate et souverainiste québécois (ce qui revient à dire: ti-casse ordinaire), auraient été bien autres s'il avait été Américain avec des parents républicains, ou s'il s'était appelé Nasser ibn Djebil, né en Arabie Saoudite. Il a simplement gobé tout rond ce qu'on lui a servi à l'école et à l'émission Découverte, sans se poser de questions.

Quand on se met à se poser des questions, on vient à comprendre qu'on ne sait à peu près rien, sauf ce qui nous est révélé.