mercredi 28 août 2013

La Souveraineté et l'Amour

Québec manque de leaders, c’est un lieu commun depuis plusieurs années maintenant. Si on veut faire la souveraineté, on va avoir besoin que le projet soit pris en charge par des individus qu’on voudra pouvoir qualifier de leaders, cela va de soi.

Or quelle est la première qualité que doit posséder un leader aux yeux des gens pour qu’ils consentent à le suivre? L’amour. Encore une fois, Jésus exprime tout ça de façon définitive, au chapitre 10 de l’Évangile de Jean, lorsqu’il distingue le vrai pasteur du mercenaire qui est là pour ses intérêts personnels ou pour ceux de son école.

Les gens doivent pouvoir «reconnaître la voix» du leader, ce qui n’est possible que si le leader en question éprouve de l’amour pour les gens qu’il propose de guider vers de «verts pâturages».

C’est évidemment ce que les Québécois sentaient lorsqu’ils entendaient René Lévesque leur parler.

Maintenant que faudrait-il penser d’une personne qui dirait : «Je t’aime mais je hais 80% de ce qui a contribué à te faire tel que tu es profondément »? Arrêtons-nous pour y réfléchir, question de voir dans quelles conditions cette proposition pourrait avoir du sens.

Il se pourrait que la personne aimée ait été abusée pendant une longue partie de son enfance. Dans ce cas, l’amoureux n’aimerait sans doute pas cet épisode de la vie de l’aimé, mais il est peu probable qu’il considérerait que ce soient ces abus qui aient contribué à faire cette personne pour 80% de ce qu’elle est vraiment. Car alors on aurait quelque chose comme: «Tu es un abusé avant tout et c’est pour ça que je t’aime!», ce qui entrerait en contradiction avec la déclaration d’en haut.

À l’autre opposé, l’aimé risquerait de ne pas être tellement plus heureux d’entendre quelque chose comme : «Je t’aime uniquement lorsque je ne considère pas ce que tu as vécu de difficile dans ton existence.» Car alors, s’il prenait à l’aimé l’envie de parler des épisodes traumatisants de sa vie pour les exorciser, étape fondamentale à la guérison, il saurait qu’il ne pourrait le faire avec la personne disant l’aimer de tout son coeur. Ce qui est un peu embarrassant.

Ceux qui prétendent vouloir nous guider me semblent continuellement alterner de ce pôle à l’autre sans aucune gradation. Pour eux, l’Église nous a abusé pendant 350 ans (absurdité colossale en soi) et il convient de faire, soit comme si cet épisode n’avait jamais eu lieu, soit comme s’il avait été si important que nous ne pourrions pas être autre chose qu’une gang de ti-casses…

René Lévesque n’avait ni cette indifférence, ni cette condescendance. Il aimait le peuple Québécois intégralement, dans toute la réalité de son essence profonde. Il ne considérait pas le peuple qu’il se proposait de guider comme deux peuples, l’un d’avant Expo67 et l’autre d’après, aimant l’un et détestant l’autre. Il aimait passionnément un peuple qui était né d’un désir d’évangélisation, qui avait défriché une terre ingrate, qui avait été laissé à lui-même et qui avait survécu dans les conditions les moins favorables; qui s’était ouvert au monde et à la modernité et dont l’aventure continuait… Une aventure qu’il considérait grandiose et qu’il ne voulait pas décider arbitrairement de faire commencer ailleurs que où elle avait commencée réellement sous prétexte qu’il n’était pas lui-même encore né à cette époque, ou pour quelque autre prétexte fallacieusement idéologique. Qu’est-ce qui me fait dire une telle chose? Sur quoi je m’appuie pour prétendre connaître la pensée de René Lévesque à ce sujet?

En liminaire du catalogue de l’exposition le Grand Héritage, présentée au Musée du Québec en 1984-85 pour célébrer les 450 ans de l’histoire du Québec en Amérique, il écrivait ceci:
«[...] Ce sera une façon de nous dire à nous-mêmes et d’expliquer à autrui quelle fut l’histoire de l’épanouissement de la foi de nos ancêtres et comment elle a constitué une motivation pour des générations de femmes et d’hommes qui se sont mis à la tâche de bâtir ici un nouveau monde. Ainsi, depuis la prière de Jacques Cartier et de son équipage au pied de la croix plantée à Gaspé au nom du roi de France, depuis la première messe qui présida à l’établissement de Ville-Marie, depuis les enseignements d’une Marguerite Bourgeoys, depuis les œuvres fondatrices à Québec d’un François de Laval, toutes ces vies menées avec un magnifique don de soi constituent autant de signes de la vigueur avec laquelle tant de fidèles ont servi l’Église et notre peuple. Le Grand Héritage nous rappellera les plus illustres parmi eux, mais il évoquera aussi toutes celles et tous ceux, plus anonyme face à l’histoire qui, par leur sens de l’idéal, ont permis aux valeurs les plus essentielles du christianisme de ce déployer en cette terre d’Amérique. Tous ces fidèles qui ont vécu leur foi au rythme de la vie laïque, toutes ces communautés de religieuses et de religieux, en œuvrant dans l’enseignement, les soins aux malades, les services aux plus démunis, ont concrétisé une promesse de charité et apporté une dimension humanitaire à nos vies quotidiennes. Tous ces curés, chefs de nos paroisses, qui ont accompagné les étapes du peuplement de notre patrie en ont été pendant toute un époque l’élite naturelle. Notre histoire ne se comprend pas sans retenir les rôles indispensables qu’ont joués avec tout leur talent et leur force ces hommes et ces femmes de l’Église de l’enracinement.»
Imaginez-vous ces mots sortant de la bouche de Pauline Marois, Amir Khadir ou de n’importe quel autre «leader» souverainiste?

Moi non plus.

La morale scientiste

Notre société est très fière de fonder ses décisions sur la science et la raison. Du moins c'est ce qu'elle pense. Les études scientifiques sont brandies à chaque fois qu'un débat s'engage sur une question, même les questions où la science n'offre aucune réponse pertinente. Sauf lorsque la science offre des réponses qu'on ne veut pas entendre.

Je lis aujourd'hui que le cannabis est dangereux pour la santé, contrairement à ce que l'on croirait à écouter les personnes qui militent en faveur de sa légalisation. Soyons clair: je n'ai rien contre l'usage modéré du cannabis par une personne responsable pour les bonnes raisons (il est assez rare de réunir toutes ces conditions), même si je n'en fais pas usage personnellement. Ce qui me dérange, c'est que dans le débat entourant le cannabis, on a simplement accepté l'opinion de la majorité comme la vérité, ce qui est peut-être inévitable dans une démocratie. Mais la vérité ne se décide pas par un vote. 

La science n'est pas capable de répondre à toutes les questions, mais elle peut nous dire avec un haut degré de fiabilité si une substance est nocive pour la santé. Le problème est que la légalisation du cannabis est l'un des enjeux phares du mouvement progressiste chez les jeunes. Le cannabis est symbolique du style de vie hédoniste et individualiste de la génération X qui exerce un poids de plus en plus grand en politique. Des études scientifiques ne suffiront pas à détrôner cette idole qui représente tout un style de vie. Le chef du Parti libéral du Canada, en déclarant fièrement avoir fumé du pot plusieurs fois depuis qu'il siège au Parlement, sait très bien ce que représente cette substance pour son électorat jeune.

Il en est de même avec de nombreux autres enjeux sociétaux. Des études à profusion démontrent les effets négatifs de l'avortement et de la pilule contraceptive sur le corps d'une femme. Ces études, lorsqu'elles réussissent à se faire publier, passent sous le radar. L'avortement et la pilule sont des enjeux symboliques du féminisme; on préfère faire l'autruche que détrôner ces idoles et remettre en question le féminisme. Qui sait, on serait peut-être obligé par la suite d'étudier l'impact négatif de la garderie sur le développement d'un poupon, l'impact que pourrait avoir sur l'éducation d'un enfant le fait d'être enfant unique, bref tout le modèle de la famille occidentale. On craint ce que la science pourrait nous dire. Dans le dossier du mariage homosexuel, non seulement nous ne sommes pas prêts à examiner l'impact sur un enfant d'être élevé par deux adultes du même sexe, mais le scientifique qui oserait étudier cette question serait immédiatement discrédité et taxé d'homophobe si son étude ne concorde pas avec l'opinion reçue.

Si nous avons réussi à nous libérer du tabac, c'est parce que nous avons accepté de regarder la réalité en face. Nous avons compris que l'abus de cette substance nous causait de nombreux problèmes. Cette émancipation a été difficile en raison du rôle social que joue le tabac. Mais nous nous sommes laissés convaincre par une juste appréciation des faits.

Comme je l'ai mentionné, la science peut nous accorder un éclairage pour apprécier la vérité, mais pour certaines questions seulement. De nombreuses autres questions plus importantes ne peuvent pas être réglées par une étude scientifique. Dans ces dossiers, notre société scientiste est d'autant plus dépourvue de direction qu'elle n'a personne pour lui indiquer la vérité même si elle était prête à l'écouter. C'est le cas pour le dossier de l'euthanasie. Qu'est-ce que la science peut nous dire sur le bien ou le mal d'une telle pratique? Rien du tout. Donc, nous sommes dirigés par l'opinion de la majorité qui se fait influencer par les faiseurs d'opinion (les médias) qui ont leur agenda propre. Il se trouve que seulement 33% des mémoires présentés à la Commission mourir dans la dignité se prononçaient en faveur de l'euthanasie. Donc, parmi tous les experts et toutes les personnes qui ont réfléchi à la question, seulement un tiers pense que c'est une bonne idée. 

Mais je disais que la vérité ne se décide pas par un vote à main levée. Malheureusement, dans une société relativiste, nous n'avons aucune autre façon de décider les questions morales, puisque la science ne nous dit rien sur ces questions. Pourtant, la plupart des gens acceptent encore que le bien et le mal existent. Sans direction morale, la société est un navire ballotté au gré des vents qui finira par s'échouer. C'est évident que nous nous dirigeons vers cette fin, particulièrement lorsqu'on regarde notre taux de suicide parmi les plus hauts en occident et notre taux de natalité parmi les plus bas.

Les sciences physiques ne sont rien d'autre qu'une appréciation raisonnable des faits manifestés dans le monde matériel. C'est le christianisme qui a donné à la science le prestige dont elle jouit et qui l'a perfectionnée en mettant au point la méthode scientifique. De même, la morale est l'appréciation de la valeur du comportement humain. L'antiquité nous a donné un système éthique très développé, mais c'est le christianisme qui nous l'a transmis et qui l'a perfectionné. En fait, le christianisme nous présente le système moral le plus parfait qui soit tel qu'exprimé dans le Sermon sur la montagne.

mardi 27 août 2013

Depardieu et la culture

Je lisais les propos de Gérard Depardieu disant qu’il se sentait « citoyen du monde » avant de se sentir Français, ou quelque platitude du même genre. Ça m’a fait penser au fait que lorsque Dieu s’est fait homme, il n’a pas triché. (Oui Dieu s’est fait homme, on ne peut pas être chrétien sans le croire, au cas où vous ne seriez pas au courant, on ne peut pas être chrétien et penser que Jésus-Christ a seulement été un grand homme comme Gandhi ou Socrate).

Je dis qu’il n’a pas triché en ce sens qu’il a voulu être pleinement homme avec tout ce que cela implique de contingences. Il ne s’est pas incarné en super-héros capable de sacrer une volée aux méchants Romains en train de le flageller comme aucun homme n’avait été flagellé selon quelques visionnaires dignes de créance. Il aurait pu, mais c’eut été tricher puisque même un homme fort comme Spartacus n’a pas cette possibilité. Il ne peut pas lancer des rayons lasers de ses yeux au magistrat inique prononçant une infâme sentence de condamnation. Il ne peut pas non plus décider de cesser d’éprouver la douleur lorsque la situation devient problématique (comme lorsqu’on est cloué sur une croix par exemple).

Pour être pleinement homme, il doit passer par tous les stades de développement, de l’utérus au sépulcre. Il doit aussi, et là est le lien avec le propos de Depardieu, s’inscrire dans une culture. S’il était arrivé comme venant de nulle part, sans culture particulière, « citoyen du monde », il n’aurait pas été pleinement homme. Remarquez, comme pour les autres pouvoirs auxquels il a dû renoncer, que cela lui aurait grandement facilité la tâche. On se rappelle la scène, lorsque Jésus commence à annoncer la Nouvelle aux gens de son patelin. Ceux-ci résistent d’autant plus fortement qu’ils partagent intimement sa culture.

Les nombreux auditeurs, frappés d’étonnement, disaient : « D’où cela lui vient-il ? Quelle est cette sagesse qui lui a été donnée, et ces grands miracles qui se réalisent par ses mains ? N’est-il pas le charpentier, le fils de Marie, et le frère de Jacques, de José, de Jude et de Simon ? Ses sœurs ne sont-elles pas ici chez nous ? » Et ils étaient profondément choqués à cause de lui. Jésus leur disait : « Un prophète n’est méprisé que dans son pays, sa famille et sa propre maison. » (Marc 6, 1+) Donc, s’il était venu comme « citoyen du monde », son message aurait mieux passé. C’est ce que je veux dire par « il se serait facilité la tâche ». Mais il n’aurait pas été pleinement homme… Il en aurait été de même s’il avait eu des super pouvoirs. Le texte continue :

Et là il ne pouvait accomplir aucun miracle…

Oui car Jésus, on le sait bien, c’est aussi les miracles… En quoi sont-ils si différents des pouvoirs de super-héros? Le passage ci-dessus le dit bien : en ce qu’ils nécessitent la foi de l’autre pour être effectifs. Contraintes que n’ont évidemment pas Superman et Wonder Woman. Ni Gérard Depardieu, sans doute.

lundi 26 août 2013

L'originalité du christianisme

J’en étais à parler avec la mère d’une de mes amies qui est une fervente du nouvel âge et du « toutes les religions sont pareilles en réalité » et elle a voulu que nous abordions le thème de cette fameuse charte de la laïcité. Pour elle, qui a l’opinion, il me semble, de 75% des québécois d’aujourd’hui et qui a élevé ses enfants de façon laïque, il ne fait aucun doute qu’empêcher les femmes de porter le voile soit une absurdité. Il est aussi évident pour elle que la prière lors du conseil municipal soit une absurdité. Il y a un désir de liberté d’un côté, et de l’autre, il ne faut pas trop faire exprès pour déranger.

La difficulté, c’est que ce n’est pas vrai que les religions sont toutes pareilles. Si je puis me permettre de rappeler, dans un premier temps, que toutes les religions qui ne relèvent pas du monothéisme (à savoir les cultes grecs, l’hindouisme, le bouddhisme et toutes les formes de panthéisme que les colons ont pu trouver en arrivant sur ce qu’ils appelaient de nouvelles terres) considèrent que l’être humain n’est pas un être particulier dans la nature, mais qu’il est plutôt partie intégrante de celle-ci. Qu’est-ce à dire? Qu’il faut prendre bien garde d’élever l’être humain au-dessus de ce qui l’entoure. On voit la montée du végétarisme, ce n’est pas qu’une question de bien s’alimenter en essayant de s’éloigner des produits chimiques et de la production industrielle (et je dois avouer que je prône quand même le végétarisme dans le contexte industriel actuel qui ne concède aucune forme de respect pour l’animal et la nature), mais c’est surtout fondé sur une donnée spirituelle forte qui est celle de former un tout. L’homme, dans ce type de spiritualité, est une goutte appelée à se fondre dans l’océan. Plus il réussit à se fondre dans l’océan, plus il atteint la sérénité. Cet océan, c’est ce qu’il y a de véritable en-deça du visible. Les disciples de Bouddha sont, par exemple, appelés comme lui à se détacher du monde, suite au constat de toutes les agitations et des souffrances qui s’y trouvent, pour atteindre ce qu’il a nommé le nirvana (extinction). Quand Bouddha a constaté que le monde était souffrance, il a cherché le moyen de s’en extraire.

Dans un deuxième temps, je voudrais souligner l’originalité du christianisme, et plus précisément celle de la mystique chrétienne. Chez tous les partisans des religions ci-haut nommées, le désir foncier est celui de s’extirper du monde visible afin d’atteindre la véritable réalité. Même son de cloche au niveau des Grecs, que ce soit dès l’origine (avec le monde des Idées de Platon) ou encore avec le néoplatonisme (notamment Plotin) qui préconise une fuite du « seul vers le Seul ». Avec Jésus, quelque chose de scandaleux se passe (on ne mesure pas aujourd’hui, tellement nous sommes pétris de christianisme, à quel point il est horrible de penser, pour un Juif, que Dieu s’incarne, c’est-à-dire qu’il devienne chair, fini, limité) : Dieu, qui est toutes possibilités, hors de toutes catégories, devient chair, et non seulement devient-il chair, mais Il nous encourage à manger son corps et à boire son sang. Mais qu’est-ce que cela? Il n’y a rien comme ça auparavant. Cette cène n’est pas seulement importante, elle est cruciale, elle est centrale, elle est le cœur du christianisme. D’un coup, la matière, jusqu’alors vécue comme un badtrip consensuel acquiert une importance insoupçonnée : la matière va désormais servir le culte, non pas seulement par symbolisme ou par offrande (je pense aux cultes judaïques), mais comme une présence réelle de Dieu, réitérée à chaque occasion. Il ne s’agit plus, pour le mystique, de quitter le monde matériel pour atteindre Dieu, il lui faut maintenant apprendre à vivre avec la matière, la prendre comme ce qu’elle est c’est-à-dire un instrument de déification.

Enfin, les religions ne sont pareilles que pour ceux qui n’en pratiquent aucune de façon fervente. Les religions ont toutes leur magnificence, mais il ne faut pas charrier. Il y a peu de mouvements d’aide aux pauvres chez les hindous pour la simple et bonne raison qu’il y a des castes et que certaines difficultés font parties du fatalisme qui est propre à leur worldview. Notre religion fondatrice, c’est le catholicisme. Rappelons-nous en et réjouissons-nous plutôt que d’en pleurer.

L'islam ou l'athéisme?

Il paraît qu'il y aura une sorte de rassemblement d'islamistes le 7 et 8 septembre au Palais des congrès de Montréal. Un bloggeur qui dit avoir entendu ces fous prêcher dans les années 1990 sur les rues d'Algérie "avec pour résultat plus de 200 000 morts et d'infinies souffrances" conclut ce qui suit:
Je m'élève de toutes mes forces contre le laxisme des autorités canadiennes et je fais totalement mienne la Charte des valeurs québécoises. Il faut de toute urgence évacuer le religieux de la sphère politique. 
Ces deux phrases sont très révélatrices. D'abord, on voit que la Charte des valeurs québécoises est beaucoup plus qu'une loi visant à interdire les symboles religieux ostentatoires chez les employés de l'État. Tout le monde comprend que le véritable objectif de cette charte sera d'interdire la religion en public. Un affront direct à la liberté de religion. Les commentateurs étrangers l'ont compris et ils s'indignent. Les Québécois l'ont compris et ils s'en réjouissent. Quelle honte.

Ensuite, je le dis souvent, la "religion" n'a rien de différent de n'importe quel autre système que j’appellerais un worldview.  Il y a des worldviews qui sont dangereux, d'autres qui sont pacifiques, et la plupart d'entre eux ont des problèmes de cohérence interne, y compris le worldview athée. L'athéisme (ou le laïcisme) a tout ce qu'il faut pour qualifier de fausse religion. Une religion non théiste qui forme des fanatiques et des intégristes, qui obscurcit l'esprit et divise les gens et qui méprise les autres qui n'ont pas les mêmes opinions. Étant donné que toute personne possède un worldview, une façon de régir sa vie fondée sur des préceptes acceptés comme vrais (des croyances), prétendre qu'il faut évacuer le religieux de la sphère politique (publique?) revient à dire qu'il faut arrêter de faire connaître ses opinions en public, à moins que l'on accepte la définition athée de "religion" et qu'on considère comme valides seulement les opinions de ceux qui professent le système athée.

En ce qui concerne l'islam, la personne qui est incapable de distinguer l'islam radical des autres formes de cette religion souffre d'une terrible myopie. À ce que je sache, ce n'est pas l'islam qui est responsable des quelques 49 à 78 millions de personnes tuées par Mao au nom d'une idéologie athée quasi-religieuse, ou les 20 à 50 millions tués par Staline pour promouvoir la Révolution. L'islam n'a pas les mains propres et le christianisme non plus, mais il serait ridicule de prétendre qu'ils sont plus dangereux que l'athéisme qu'on nous sert ad nauseam dans le Québec moderne.

La définition qui fait de la "religion" quelque chose de différent dans sa nature que n'importe quelle autre philosophie régissant la vie d'une personne est une définition clairement biaisée en faveur de l'athéisme. S'il faut évacuer la religion de la sphère publique, commençons par instituer un État réellement laïque qui ne prend pas position en faveur de l'athéisme et qui permet à toutes les religions ou philosophies de vie d'exister sur le même pied et à tout le monde de s'habiller comme ils le veulent.

dimanche 25 août 2013

Comment préserver notre héritage religieux

L'historien Gilles Laporte a publié aujourd'hui un texte remarquable sur la nécessité de préserver notre patrimoine religieux. Après avoir applaudi le Parti québécois pour sa tentative de codifier nos "valeurs" collectives, il écrit ce paragraphe étonnant:
Affirmer le caractère laïque de l'État tout en préservant le patrimoine religieux est absolument nécessaire, mais cela ne va pas de soi. Si intégrer les nouveaux arrivants aux valeurs et à la culture de la majorité passe par la valorisation de notre culture, il est ironique qu'une bonne part de cette dernière soit issue de notre passé catholique. Or, si ces distinctions sont nouvelles pour le grand public, il y a longtemps que le milieu patrimonial et muséal les a démystifiées, si bien que distinguer l'expression de signes religieux de la préservation du patrimoine religieux repose tout compte fait sur des règles simples sur lesquelles s'appuyer.
Ce qui est étonnant, c'est qu'il admet ouvertement ce que les autres évitent soigneusement de dire: notre culture est en grande partie catholique.

L'auteur se demande ensuite comment accorder à notre "passé catholique" une place appropriée sans compromettre la sacro-sainte laïcité. Il propose une approche muséologique: préserver les éléments matériels tels que les églises, les cimetières et les chemins de croix, ainsi que les aspects folkloriques tels que les traditions orales et les pratiques religieuses, j'imagine en les enregistrant et en constituant une base de données.

Parler de faire des musées, de cataloguer, de préserver des spécimens, c'est constater la mort de la chose en question, c'est constater qu'il n'a pas été possible de la préserver. Essayez de faire passer cette approche chez les autochtones. "Oui, votre culture est merveilleuse, mais elle est morte, donc il faut la cataloguer et la mettre sous verre pour la préserver." Ou essayez cela avec les Canadiens-français en voie d'assimilation dans les autres provinces. "C'est pas grave, on ne peut pas éviter l'inévitable, laissez-vous aller... on va cataloguer et préserver des spécimens, enregistrer les histoires des personnes âgées et on arrivera à "préserver" votre culture."

C'est l'attitude d'une personne qui n'attache pas de valeur réelle à la culture en question, dont l'approche est purement sociologique et désintéressée. Ou pire encore, c'est l'attitude d'une personne qui, en suggérant que l'on déplace le crucifix du salon bleu de l'Assemblée nationale, préfère que cet aspect de notre culture soit bien isolé, mis en cage, pour éviter qu'il ne fasse d'autres dégâts.

Avant d'aller plus loin, je voudrais faire remarquer à monsieur Laporte que le catholicisme au Québec n'est pas encore mort. Pour le préserver en tant que chose vivante, il faut d'abord que l'on reconnaisse sa valeur et qu'on veuille le préserver en tant que chose vivante. Cela n'exige pas que le Québec adopte le catholicisme comme religion d'État et qu'on se mette à convertir la population de force. Il suffit de cesser l'oppression systématique des institutions religieuses, en commençant par les écoles catholiques. Le curriculum exclusif et obligatoire du ministère de l'Éducation interdit que l'on enseigne la religion aux élèves, même dans les écoles privées. Redonnez aux Catholiques le droit d'exister et ils feront le reste d'eux-mêmes. Redonnez-leur le droit à des écoles vraiment catholiques et le catholicisme prendra, par sa vertu propre, la place qui lui revient. L'histoire le démontre et les laïcistes le savent très bien. Le christianisme, dans les conditions idéales, se propage comme un feu de brousse. Le Québec actuel en quête de sens et désorienté dans son identité nationale constitue les conditions idéales pour l'évangélisation.

Il n'est même pas nécessaire d'accorder un traitement privilégié au catholicisme. Mais pourquoi ne pas lui accorder un traitement privilégié en tant que religion historique de la majorité, pour des raisons culturelles? Cela se fait dans d'autres pays sans que l'on remette en question le principe de la laïcité.

On peut ne pas être croyant tout en reconnaissant les vertus du catholicisme. Même dans le cas contraire, on n'a pas le droit d'opprimer ce système religieux en lui enlevant le droit d'exister, surtout lorsqu'il s'agit de notre religion historique et patrimoniale. Précipiter le déclin du catholicisme au Québec pour ensuite le "préserver" dans un musée est l'équivalent de tirer sur le dernier tigre blanc pour empailler sa carcasse.

samedi 24 août 2013

Antipoison: l'arnaque de l'utopie athée

Un collaborateur a accepté d'afficher un livre qu'il a écrit en 2008 mais qui dort depuis ce temps sur son disque dur. Le livre s'intitule Antipoison: l'arnaque de l'utopie athée. Il s'agit d'une lecture suivie de Pour en finir avec Dieu de Richard Dawkins (The God Delusion) et du Traité d'athéologie de Michel Onfray. Le tout se termine avec une correspondance à sens unique avec le chroniqueur Richard Martineau qui s'est tenue pendant quelques semaines, en 2007.

Voici un extrait de l'introduction (les mots en italiques sont des extraits du livre de Richard Dawkins):
« Imaginez, avec John Lennon, un monde sans religion... Pas de bombes suicides, pas de 11 Septembre, pas de Croisades, pas de chasses aux sorcières, pas de Conspiration des poudres, pas de partition de l’Inde, pas de guerres israélo-palestiniennes, pas de massacres de musulmans serbo-croates, pas de persécution de juifs, pas de "troubles" en Irlande du Nord, pas de "crimes d’honneur", pas de télévangélistes au brushing avantageux et au costume tape-à-l’œil. »
Imaginez avec John Lennon... Non rien de tout ce qu’il vient d’imaginer parce que rien du tout : l’humanité éteinte par ennui et dégoût de vivre. On jurerait l’argumentaire d’un futur D.I.C. du Meilleur des mondes qui prônerait l’application du système qu’Aldous Huxley décrit génialement, non pas comme un idéal paradisiaque, mais comme un cauchemar, comme la forme idéale du totalitarisme à venir. Dawkins comme Onfray sont des prophètes de ce système futur. Ils attendent son avènement avec la même ferveur que les prophètes de l’Ancien Testament attendaient le Messie. Mais pourquoi s’arrêter en si bon chemin dans la description du meilleur des mondes de Dawkins : « Imaginez... » (Oh! il sait sur qui s’appuyer, notre beau Richard, pour s’attirer la sympathie du lectorat qu’il vise. Imaginez, John Lennon! Est-ce que quelqu’un
ici va oser s’attaquer à John Lennon?) « Imaginez, pas de talibans pour dynamiter des statues anciennes, pas de décapitations publiques des blasphémateurs, pas de femmes flagellées pour avoir montré une infime partie de peau... » C’est tellement beau qu’on se sent poussé à compléter son énumération pour donner un tableau plus général de cet Empyrée uchronique : « Imaginez, pas d’hôpitaux, les pauvres et les malades qui crèvent sur le bord du chemin sans que personne ne s’arrête; la loi du plus fort appliquée systématiquement et donc l’humanité débarrassée de ses membres les plus déficients; imaginez un monde sans Sixtine, sans les messes de Bach et de Beethoven, sans les Cathédrales, ces verrues qui nous cachent le paysage; imaginez Québec, un simple poste de traite devenu un immense La Baie pour approvisionner les Européens en cochonneries. Un monde sans université, sans théâtre... Un monde où nous ne serions plus scandalisées de voir des femmes se faire flageller parce que cette pratique seraient tellement la norme qu’elle ne serait pas plus choquante que celle d’un chien qui mord un facteur. » Le rôle de l’Église dans la mise en application d’institutions aussi banales que l’Université, l’Hôpital et le Théâtre moderne n’est plus à démontrer. J’insiste sur les deux premiers: l’Université et l’Hôpital... Difficile d’imaginer comment pourrait vivre les biologistes et les généticiens sans ces institutions... Et donc on pourrait dire : « Imaginez, pas de Richard Dawkins! » Quoi que bien sûr, un individu de ce type aurait trouvé une autre façon de tout salir, tout comme les hommes auraient trouvé d’autres prétextes que la religion pour s’entretuer, ainsi que l’illustre un demi-siècle de goulags, de maoïsme, et de khmers.

Car on verra bien que c’est ce qu’il est d’abord, notre Richard : un petit salisseur animé d’un orgueil colossal qui transparaît dès les premières lignes de l’introduction.
« J’ai idée – enfin je suis sûr – qu’il se trouve autour de nous une multitude de gens qui ont été élevés dans une religion ou dans une autre qui ne les rend pas heureux, à laquelle ils ne croient pas, ou qui les préoccupe pour tout le mal qui est fait en son nom; des gens qui ont vaguement envie de quitter la religion de leurs parents et qui aimeraient pouvoir le faire, mais qui tout simplement ne se rendent pas compte que c’est possible. »
Si Dawkins avait écrit ces mots dans le Québec d’il y a cent ans, on aurait pu applaudir. Mais, allô! on est en 2008, mon Richard, ce qui fait qu’à part pour les gens pris dans des sectes (mais pour Dawkins le relativiste, il n’y a pas de différence entre sectes et religions), il est assez facile aujourd’hui pour un jeune de dire basta! à la religion de ses parents. C’est même le contraire, aujourd’hui, qui est étonnant : lorsque le jeune décide d’embrasser la foi de ses géniteurs, consciemment, volontairement... Je connais peu de gens qui, à vingt ans, sont encore catholiques uniquement parce que leurs parents le sont. Pas que je ne connaisse pas d’enfants de catholiques qui aient décidé de le demeurer. Dans de tels cas, ce qui s’est passé, c’est quelque chose que Dawkins ne semble pas concevoir : c’est que la religion en question a été bien montrée par les parents. Ils n’ont pas été catholiques uniquement parce que leurs parents l’étaient eux-mêmes sans trop savoir pourquoi. Car alors, il est presque sûr que des enfants d’aujourd’hui vont lâcher. Pourquoi? Parce que les pressions extérieures, du moins ici, au Québec, sont largement antireligieuses. Entrez dans une classe du secondaire et dites : aujourd’hui nous allons parler de la Bible et écoutez la rumeur qui va suivre. Dawkins parle comme si la réaction devait consister en un concert d’applaudissements. Il s’adresserait alors à l’étudiant plus lucide que les autres qui serait fâché devant une telle perspective mais qui n’oserait pas parler de peur de se faire excommunier. En tant que prof, je peux vous dire que c’est exactement le contraire qui est vrai. L’étudiant qui a envie de se faire parler d’Abraham est mieux de ne pas en faire part s’il ne veut pas se faire ridiculiser jusqu’à la fin de son secondaire.

Dawkins a réussi son coup puisqu’il a vendu deux millions d’exemplaire du livre que je m’apprête à décortiquer. Il vient d’arriver en traduction et je lui prévois un succès monstre ici, au Québec. On sait à quel point les Québécois aiment se faire dire qu’ils sont courageux... Qu’ils sont uniques... Qu’ils sont marginaux... Pour reprendre une métaphore musicale, le public de Dawkins me fait penser à une foule qui assisterait à un show soi-disant underground au Stade Olympique... « Quoi, je pensais être le seul à connaître ce groupe à Montréal! » Non, à bien y penser il ne se dirait pas ça... Non, il serait là, au Stade, avec 60 000 personnes autour de lui, et il continuerait de croire qu’il est au premier show que Nirvana a donné aux Fouf en 93 devant une cinquantaine de spectateurs. Courage! leur dirait Dawkins! Vous n’êtes plus seuls. Quoi! vous avez besoin d’un télévangéliste inversé pour prendre conscience de ça? 

jeudi 22 août 2013

La religion d'État

Notre gouvernement nous propose d'interdire à tous les employés de l'État de porter des symboles religieux. Ces symboles compromettent, dit-on, la neutralité de l'État. Or, dans ce dossier, l'État a clairement pris position contre toutes les religions, donc en faveur de l'athéisme.

Quand on se met sur le terrain de la conception que l'on a du monde, ce qu'on appelle le worldview, il n'y a rien qui distingue une religion de n'importe quelle autre philosophie. Même ceux qui prétendent n'avoir aucune religion ont un worldview, un système qui conditionne leur façon de traiter l'information qu'ils reçoivent, d'écarter certains éléments comme faux et d'intégrer d'autres comme vrais.

Le worldview athée prétend que les religions sont fausses. Or, certaines religions exigent que l'on porte des symboles. Donc, porter un turban, une kippa ou une croix est un affront au worldview athée. Celui qui porte ces symboles affirme ouvertement qu'il rejette le worldview athée. L'État totalitaire-en-devenir ne peut pas accepter cet affront. Il doit sévir.

Remarquons que celui qui porte la croix, contrairement aux symboles des autres religions, ne rejette pas les valeurs québécoises. Au contraire, je crois sincèrement que la majorité des Québécois n'ont rien contre leur héritage chrétien. Ce qu'il rejette, c'est le worldview athée que le Parti québécois voudrait codifier comme "valeur québécoise" même s'il n'en est rien.

Revenons à la neutralité. Je ne vois pas comment la neutralité de l'État est compromise par le fait qu'il a comme employés de nombreuses personnes qui affichent leur appartenance à de nombreuses religions qui n'ont strictement rien à voir avec les fonctions étatiques.

Pourquoi ne pas reprocher à l'État de permettre qu'un employé porte une casquette des Canadiens de Montréal et un autre employé porte un chandail des Nordiques, ce qui compromet la neutralité de l'État, évidemment, en matière d'allégeance sportive. On n'est pas certain quelle est l'allégence de l'État: est-il un fan des Habs ou des Bleus? Mais l'important est que l'État reste neutre, alors interdisons tous les logos sportifs. Après tout, on sait que l'État est très concerné par le sport professionnel, autant que par la religion, n'est-ce pas?

Cet état de faits est tout à fait contraire au principe de la laïcité. L'objectif de la laïcité est de permettre que toutes les croyances, philosophies et worldviews puissent coexister paisiblement. Ce que nous avons ici n'est pas la laïcité, mais l'équivalent d'une religion d'État, le laïcisme.

Asphyxie

C’est lorsqu’il en est venu à circonscrire le mal absolu dans une réalité tangible et facilement identifiable qu’un gouvernement se croit permis de passer des lois qui bafouent les droits les plus fondamentaux de ses citoyens. Il peut bien être conscient que le sacrifice exigé des gens est terrible, mais il se dit qu’en bout de ligne, ce sacrifice doit mener à une société totalement libérée du mal, projet pour lequel on ne doit tolérer absolument aucun obstacle.

C’est ce que l’histoire du XXe siècle aurait dû nous apprendre. Malheureusement j’ai l’impression que nous sommes en train de tomber dans un piège similaire… Je ne m’explique pas autrement le fait que nous nous apprêtons à faire ce que nous n’avons jamais fait dans notre histoire, il me semble : bafouer tout un article (le 18) de la Déclaration des droits de l’homme, qui garantit la liberté non pas uniquement de pratiquer une religion mais de pouvoir la manifester publiquement

Il faut que l’heure soit grave, aux yeux du gouvernement péquiste… Voyez-vous, on réfléchit depuis des millénaires sur la notion de bien et de mal. On a pensé pendant quelques siècles que le mal était d’abord en nous, idée qui persiste dans l’esprit de certaines personnes peu éduquées que vous me pardonnerez de citer : « Si ça sent la marde partout où tu vas, il y a des chances que… » Mais laissons ces grossièretés d’un autre âge… Jean-Jacques est venu et on sait maintenant que le mal est à l’extérieur… On ne s’entend seulement pas sur son identité exacte. 

On a pensé que c’est le Juif, on a pensé que c’est le Capital… De plus en plus de gens pensent que c’est la Religion, ce qui serait un peu problématique pour nous, Québécois… Malgré les efforts considérables déployés, l’histoire d’avant Expo67 n’a pas encore été totalement effacée de l’esprit des gens. Notre existence de Canadiens-français est si évidemment le fruit de l’activité religieuse que de dire que la religion ne fait que du mal revient à identifier le mal à notre réalité profonde. Il y a des limites à la haine de soi que nous refusons toujours de franchir, en attendant notre consentement prochain au suicide collectif.   

Non, nous ne sommes pas le mal, et le mal n’est pas la Religion avec un grand R, du moins pas encore… Non le mal, tenez-vous bien, le mal c’est l’Extrémisme religieux. Voilà bien quelque chose sur laquelle on s’entend, quelque chose qui fait consensus. Bien sûr, bafouer la Déclaration des droits de l’homme, c’est quelque chose de gros. Mais l’élimination de l’extrémisme religieux, vous imaginez!

Le problème c’est que le Québec comme peuple n’est pas seulement le fruit de l’activité religieuse mais aussi le fruit de… l’extrémisme religieux. Il n’y a qu’à lire les Relations des Jésuites pour s’en rendre compte. L’extrémisme religieux, ce n’est pas seulement des crétins qui mettent des bombes partout. Pour prendre un exemple récent, je dirais que Gilles Kègle est un extrémiste religieux. Passer 16h par jour, sept jours par semaine, à parcourir les lieux les plus crottés et malfamés d’une ville pour s’occuper des pauvres parmi les plus pauvres est une action qu’on pourrait qualifier d’extrême. Et c’est la religion qui lui a inspiré cette action, plus particulièrement le chapitre 25 de l’Évangile de saint Matthieu. 

Gilles Kègle est une figure connue. Mais à côté de lui, des centaines d’hommes et de femmes s’adonnent à une forme d’extrémisme religieux sans laquelle notre société ne serait pas ce qu’elle est. Vous comprenez bien ce dont je veux parler : une forme d’extrémisme positif… Mais on se dit que l’extrémisme négatif est tellement terrible qu’il convient de sacrifier l’autre forme d’extrémisme pour en être gardé à jamais. Je doute qu’on y parvienne. Cette charte ne va contribuer qu’attiser les passions, ça me semble clair. Car voyez-vous, il y a un principe de base, rien de bien transcendant, que nous avons un peu oublié. C’est que la possibilité du meilleur entraîne toujours la possibilité du pire. Or le réflexe qui consiste à vouloir sacrifier le meilleur pour être gardé du pire nous confine dans un entre-deux qui est pire que tout. Un entre-deux dans lequel notre société est en train de s’asphyxier.

mercredi 21 août 2013

Exagération

Possible que nous nous soyons aliénés nos derniers lecteurs avec l’article admirable de mon collègue Daniel (Liberté de religion)… Le rapprochement du Québec à venir avec la Russie de Staline et l’Allemagne d’Hitler est une grossière hyperbole, n’est-ce pas? Nous voilà déchirés! D’une part, chacun éprouve un plaisir raffiné à pouvoir dire : « Je l’avais bien dit! » De l’autre, on espère évidemment se tromper et que le Québec dans lequel grandiront nos enfants et petits-enfants n’ait rien à voir avec l’un des deux ou trois grands totalitarismes du XXe siècle. Dans ce dernier cas, nous serrons abondamment rassasiés du sarcasme des satisfaits et des intelligents de ce monde qui pourront nous reprocher ce crime terrible, dans une société du nivellement, qui consiste à exagérer. Une des définitions de ce terme que propose le Petit Robert est celle-ci : « Grossir, accentuer en donnant un caractère (taille, proportion, intensité, etc.) qui dépasse la normale » C’est aussi ce que fait un microscope, ce qui est bien utile pour observer les bactéries qui pourraient contribuer à la contamination ou au pourrissement d’un organisme ou d’une société. Quoi qu’il en soit, même si l’on ne vit pas d’ici trois ou quatre générations ce que la Russie ou la Chine ont vécu, on ne pourra pas dire que Daniel s’est fourvoyé. « Encore quarante jours et Ninive sera détruite! », crie Jonas en traversant la ville (3, 4). Est-ce qu’il exagère? Non car c’est bien ce qui attend Ninive s’il ne se passe rien. Les gens se repentent et la ville est épargnée. C’est justement cette perspective qui horrifiait le prophète et qui l’avait amené à désobéir. Pourquoi? Parce qu’il passe alors pour un moron. N’avait-il pas dit que Ninive serait détruite? Elle ne l’est pas… Non parce qu’il s’était trompé mais parce qu’il a dit les mots « exagérés » pour lesquels il peut maintenant être raillé. Merci Daniel d’avoir osé jouer ce rôle parmi les plus importants et les plus ingrats que l’on puisse imaginer.

mardi 20 août 2013

La liberté de religion

Il y a un développement dans le dossier de la "Charte des valeurs québécoises" (la Charia laïciste). Le Journal de Montréal nous révèle que le Parti québécois va adopter la ligne dure en interdisant tous les signes religieux pour les employés de l'État. Ce n'est pas vraiment une révélation, mais on est déçu quand même de ce parti qui prétend être le parti de tous les Québécois. Le philosophe Charles Taylor, qui a présidé à la commission Bouchard-Taylor, appelle cette proposition un "acte d'exclusion absolument terrible". Il ajoute: "C'est quelque chose qu'on s'attendrait à voir dans la Russie de Poutine".

Rappellons-nous que la Russie a récemment adopté une loi qui pénalise la "propagande homosexuelle". Les Québécois sont montés aux barricades pour condamner cette atteinte aux droits de l'homme. On parle même de boycotter les Jeux-Olympiques de Sotchi.

Mais tant qu'à parler de droits de l'homme, qu'en est-il de la liberté de religion?
Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites. (Déclaration universelle des droits de l'homme, art. 18)
Le Parti québécois propose de retirer le droit de manifester sa religion en public. Où sont les activistes des droits de l'homme? Pourquoi se taisent-ils?

La notion des droits de l'homme, qui provient du droit naturel, repose sur l'idée que l'homme possède, en raison de sa dignité inhérente, certains droits et libertés inaliénables. Ces droits existent indépendamment du bon vouloir de la majorité.

L'idéologie post-moderne, qui n'admet rien d'absolu, donne un sens positiviste au terme "droit de l'homme" qui lui permet de modifier à son gré les droits qui sont reconnus à un moment donné et à retirer d'autres, selon le bon gré de l'autorité en place. Il se trouve que l'on a ajouté l'orientation sexuelle comme l'un des droits et qu'on a retiré la liberté de religion. Cela rend totalement inutile la Déclaration universelle des droits de l'homme qui n'a donc plus rien d'universel. C'est un retour à l'époque où les seuls droits que l'on possède sont ceux que l'autorité en place veut bien nous reconnaître. Nos droits proviennent alors de l'État et non plus de notre dignité inhérente. Bref, nous revenons tranquillement à l'Allemagne hitlérienne, à la Russie staliniste, à la Chine maoiste.

Ce qui empire les choses, c'est que ce ne sont pas tant les minorités qui sont visées par cette mesure que le catholicisme. On essaye de faire passer la pilule en parlant de burqa et de kirpan, mais le véritable objectif est d'intensifier la campagne de réécriture de l'histoire du Québec pour effacer notre héritage catholique. Le Québécois moyen est peut-être choqué par l'image caricaturale d'un policier qui porte un turban, mais il n'a rien contre l'idée d'une religieuse qui travaille dans une hôpital et qui porte une croix au cou. Ce sont elles, après tout, qui ont fondé nos hopitaux et qui les ont cédés gratuitement à l'État. Les Québécois n'ont plus autant d'attachement au catholicisme qu'auparavant, mais ils se sentent encore à l'aise avec les symboles de notre religion historique. Le Parti québécois tente de changer cela en plaçant le catholicisme sur le même pied que les religions étrangères pour capitaliser sur un sentiment latent de xénophobie qui, avouons-le, a toujours fait partie de notre culture.

Si les Québécois croient vraiment aux droits de l'homme, ils se lèveront debout pour protéger la liberté de religion des étrangers qui vivent à l'intérieur de nos frontières. S'ils aiment leur culture et leur identité nationale, les Québécois se lèveront debout pour défendre leur héritage catholique.

Le temps est arrivé de montrer la porte à ce gouvernement minoritaire qui tente de nous imposer ses valeurs rétrogrades d'intolérance et de mépris envers les autres.

(À lire aussi: La Charia laïque s'en vient)

lundi 19 août 2013

Rousseau

Dans le film de Manon Barbeau (c’est la dernière fois que j’en parle, promis), les Enfants du Refus global, la fille de Borduas explique que son père se basait sur les (non) méthodes de Jean-Jacques Rousseau pour élever ses enfants. Le bon Jean-Jacques est évidement le pionnier de cette noble activité que j’ai désignée dans un article précédent sous le libellé de dompage d’enfants. Je ne dis pas qu’il a été le premier à avoir abandonné ses enfants, c’était une pratique courante, même après que Constantin ait interdit la pratique plus barbare encore de l’exposition d’enfants qui avait cours dans l’Empire avant son règne. Nom, ce qu’on doit à J-J Cool R, c’est d’avoir justifié cette pratique par tout un appareillage théorique permettant d’affirmer que le fait d’abandonner ses enfants est en fait une bonne chose pour eux.

De nos jours, on va entendre des parents expliquer que la garderie permet de « socialiser l’enfant » pour justifier qu’ils y mènent leur progéniture de trois mois et demi cinq fois dix heures par semaine. Comment ne pas être ému devant de tels sacrifices pour s’assurer que l’enfant soit Mister P.R. à l’âge de deux ans quand on sait que la vie n’est rien d’autre qu’un immense concours de popularité, pour paraphraser un roman québécois récent. Mais Jean-Jacques, c’est autre chose. C’est dans le fondement le plus profond de l’homme qu’il trouvait, avec les déchirements qu’on peut imaginer, l’obligation cruelle de ne pas assumer ses responsabilités de géniteur.

C’est que voyez-vous Jean-Jacques ne se prenait pas pour vous savez quoi. Aussi, il lui semblait tout naturel de s’attaquer à ce qu’il était banal de considérer à l’époque comme le plus grand génie que l’Occident ait connu. S’attaquer n’est peut-être pas le terme approprié. Il s’agissait plutôt de dire le contraire de… Le contredit en question avait écrit un petit livre intitulé Confessions que d’aucun voient comme l’acte de naissance de l’homme moderne. Jean-Jacques a aussi écrit un livre qui s’intitulait Confessions ce qui demandait à l’époque une bonne dose de culot, il faut le reconnaître. Mais l’antagonisme ne se situait pas là principalement. En fait, l’idée que Rousseau a voulu contredire tout au long de son œuvre (et qui a justifié l’abandon de son enfant) est celle du péché originel.

Bon, je ne veux pas trop développer là-dessus, on l’a fait surabondamment avec une érudition que je ne puis approcher. Les conclusions cependant son assez claires et unanimes : On doit aux développements de saint Augustin sur cette question l’essentiel de ce qui a permis de fonder tout le système juridique et social qui a eu cours en Occident jusqu’à aujourd’hui. Il dit en (très) gros ceci : « L’homme naît mauvais. La société doit donc être édifiée de façon à l’empêcher de trop déraper. Cependant, avec la Grâce de Dieu, la prière et l’ascèse, l’homme peut se sanctifier et s’arracher de cette malédiction pour s’accomplir pleinement. » Jean-Jacques a décidé de prendre cette évidence et d’en inverser les termes, question de nous faire reculer de trois millénaires : « L’homme naît bon, c’est la société qui le corrompt. »

J’entends les applaudissements de tous les gens cools avec qui on voudrait mille fois plus aller prendre une bière qu’avec une gang de chrétiens brainwashés.

 Proposition rassurantes, certes, mais qui ne tient pas la route deux secondes. On peut être contre le port d’armes à feu dans certains états de nos voisins du sud. Mais on doit admettre qu’il n’y a pas une fusillade majeure à tous les jours. Imaginez maintenant qu’on donne une arme à feu à tous les enfants d’une garderie. Le bain de sang deviendrait la norme quotidienne.

 Mais il y a bien pire. Si l’homme nait bon, alors le mal vient d’ailleurs. La doctrine augustinienne nous dit que le mal vient d’abord d’en-dedans. Comme on m’a déjà dit à une époque où ça n’allait pas très bien dans ma vie : « Si tous les gens que tu rencontres sont des morons, pose-toi des questions. » On ne fait que projeter ce que l’on porte en soi. C’est ce que veux exprimer Jésus-Christ par ces mots :
Ce n'est pas ce qui entre dans la bouche qui souille l'homme; mais ce qui sort de la bouche, c'est ce qui souille l'homme.[…] Ne comprenez-vous pas que tout ce qui entre dans la bouche va dans le ventre, puis est jeté dans les lieux secrets? Mais ce qui sort de la bouche vient du coeur, et c'est ce qui souille l'homme. Car c'est du coeur que viennent les mauvaises pensées, les meurtres, les adultères, les impudicités, les vols, les faux témoignages, les calomnies. Voilà les choses qui souillent l'homme; mais manger sans s'être lavé les mains, cela ne souille point l'homme. 
Les Pharisiens pensaient qu’il suffisait de se laver les mains pour être pur pouvoir faire la leçon à tout le monde en se donnant en exemple. Non, l’impureté --le mal-- part de plus profond. Elle ne part pas de quelque chose d’aussi superficiel qu’une poignée de main, une ethnie ou un système politique. Elle part du cœur de l’homme. Jésus n’avait que faire de libérer les Juifs politiquement comme certains zélotes (dont Judas) le souhaitaient. C’est intérieurement qu’il est venu apporter la libération. « Mais délivrez-nous du mal... » intérieur. Car le mal extérieur est d’abord une projection du mal intérieur que l’on porte en soi. C’est ce qui explique que les saints restent sereins dans les persécutions et les souffrances.

Cette projection est à la base des deux grandes dérives totalitaires du XXe siècle.

D’abord le nazisme. La race pure. Donc exempte de mal. Les mains bien propres! Or il y avait beaucoup de mal dans l’Allemagne d’après la Première guerre : inflation endémique, chômage, pauvreté… Un mal qui faisait souffrir terriblement… Imaginez qu’on parvienne à trouver la source du mal… Il ne devrait alors y avoir aucun obstacle à une entreprise visant à son éradication définitive…

Fermez-vous les yeux et imaginez un peu cette perspective : Il n’y a plus de mal. On vient d’éliminer 80% des articles du Journal de Québec. Il n’y a plus de mal… Pour saint Augustin, cela ne peut être possible que dans la mesure où tout le monde parvient à se sanctifier (et encore…) puisque le mal est en nous. Pour le nazi, il suffit de trouver la cause profonde du mal : le Juif. Et le détruire.

Même logique pour le communisme : le mal n’est pas dans le cœur de l’homme, il est dans un système économico-politique qui encourage les inégalités. Ainsi, en éradiquant un tel système, on va éliminer totalement le mal, projet qui doit être mené à terme à tout prix.

Dans les deux cas, on a voulu faire descendre le paradis sur terre. On n’a réussi qu’à y faire monter l’enfer.

À une échelle un peu moins cataclysmique, il y a le mal identifié à la société de consommation, à la maladie mentale, à une disposition génétique, à la religion, à la cigarette, au fédéralisme, au féminisme, au liquide lave-glace… Le mal dont nous étions totalement innocents jusqu’à ce qu’il nous tombe dessus. Violeur et victime, pusher et drogué, client et prostituée : il n’y a que victimes… C’est rassurant… Et tellement consolant! Mais ça donne une société de victimes incapables de se prendre en main, une société de "C'pas d'ma faute"… Pas mal tout le monde est d’accord pour dire que nous en sommes-là. Le jugement rendu dans l’affaire Turcotte a peut-être été le dernier traumatisme collectif que nous ayons vécu. Qu’il sonne comme un avertissement : ça va continuer pendant combien de temps encore? Combien de temps le rousseauisme nous permettra-t-il de nous dédouaner de notre lâcheté, de notre goinfrerie, de notre dépravation et/ou de notre haine de l’autre? Je ne vois qu'une seule solution: il faut sacrer Rousseau aux vidanges et retourner à la doctrine augustinienne…

Oh mais il y tous ceux que cette doctrine a culpabilisés. Évidemment, il y a un équilibre à atteindre. Le sentiment de culpabilité peut-être paralysant s’il est mal vécu. Il devrait plutôt être un aiguillon qui nous mette en marche. Le sentiment de culpabilité n’est pas agréable, mais il est souvent le garde-fou qui nous empêche de devenir des porcs. Tu te sens coupable? C’est qu’il a bien des chances que tu le sois effectivement, mais dis-toi que tu n’es pas le seul car tel est le lot de l’humain sur Terre. Pascal disait qu’il y a deux sortes d’hommes : les pécheurs qui ne se sentent coupables de rien et les saints qui se sentent coupables de tout. C’est ce sentiment qui a mené ces derniers sur nos autels… Non il n’est pas agréable. Mais l’évolution ne se fait pas dans le confort.
 

L'écologie humaine

La moralité capitaliste (américaine) a pour principe de base la quête du bonheur par l’appât du gain, ce qui autorise un individu à faire primer l'industrie sur l'environnement. Selon cette logique, permettre aux entreprises de polluer pour créer de la richesse enrichira toute la société. Cette vision est fondée dans le fondamentalisme protestant qui écarte arbitrairement l'écologie du domaine de la moralité et qui fait de la prospérité économique un signe de la faveur divine.

Notre moralité canadienne-française, au contraire, n'a jamais admis la suprématie de l'économie sur les autres intérêts sociétaux. Elle n'accepte pas que la majorité soit asservie à une minorité de chefs d'entreprise en espérant recevoir quelques miettes de cette prospérité économique en échange de la destruction de son territoire.

Mais depuis cinquante ans, un nouvel écologisme radical est apparu, non moins dangereux pour la société que le rêve américain. Cet écologisme radical, qui voit l'homme comme un imposteur dans l'environnement, ne cherche pas plus que le capitalisme à favoriser le bien commun. L'environnement devient alors une fin en soi.

Au Québec, ce nouveau genre d'écologisme s'impose même au détriment du bien commun. Il exige, par exemple, que l'on installe des éoliennes coûteuses même si nos centrales hydroélectriques suffisent amplement à nous fournir de l'électricité propre. Du coup, on oblige les familles pauvres à payer leur électricité plus cher.

L'écologisme radical ne fait pas de nuances, il ne se soucie pas du bien-être de l'homme. Ce qui l'intéresse, c'est de rendre un culte à leur déesse Gaïa (la Terre). C'est simplement une nouvelle religion, pas plus rationnelle que les autres et certainement moins rationnelle que la position catholique.

L'écologie catholique se distingue tant de l'écologisme radical que de la vision capitaliste:
Une conception correcte de l'environnement ne peut pas, d'une part, réduire de manière utilitariste la nature à un simple objet de manipulation et d'exploitation, et elle ne doit pas, d'autre part, l'absolutiser et la faire prévaloir sur la personne humaine au plan de la dignité. Dans ce dernier cas, on en arrive à diviniser la nature ou la terre, comme on peut facilement le constater dans certains mouvements écologiques qui demandent de donner à leurs conceptions un aspect institutionnel internationalement garanti. Le Magistère a motivé son opposition à une conception de l'environnement s'inspirant de l'écocentrisme et du biocentrisme, car celle-ci « se propose d'éliminer la différence ontologique et axiologique entre l'homme et les autres êtres vivants, en considérant la biosphère comme une unité biotique de valeur indifférenciée. On en vient ainsi à éliminer la responsabilité supérieure de l'homme en faveur d'une considération égalitariste de la “dignité” de tous les êtres vivants ». (Compendium de la doctrine sociale de l'Église, 463)
La doctrine sociale de l'Église fait le pendant de l'écologie environnementale en nous proposant de façon complémentaire "l'écologie humaine" qui n'en est pas moins importante. La structure fondamentale de l'écologie humaine est la famille, "au sein de laquelle l'homme reçoit des premières notions déterminantes concernant la vérité et le bien, dans laquelle il apprend ce que signifie aimer et être aimé et, par conséquent, ce que veut dire concrètement être une personne" (212).

Le lien entre l'écologie environnementale et l'écologie humaine se trouve, naturellement, dans le bien commun. "Une société à la mesure de la famille est la meilleure garantie contre toute dérive de type individualiste ou collectiviste, car en elle la personne est toujours au centre de l'attention en tant que fin et jamais comme moyen" (213). Ainsi, l'écologie catholique évite d'une part les excès du capitalisme qui instrumentalise l'environnement et d'autre part les excès de l'écologisme radical qui oublie le fait que la personne humaine fait partie de l'environnement.

On a raison de dire que les Québécois sont écologistes, mais leur écologie se rapproche beaucoup plus de l'écologie catholique que l'extrémisme prônée par les partis de gauche.

dimanche 18 août 2013

Le leurre du développement économique

Il est fréquent que l'on attribue à la Révolution tranquille notre épanouissement économique depuis les années 1960. Nous lisons aujourd'hui qu'un économiste remet ce lien en question. L'essor économique du Québec aurait commencé en 1945 après un siècle de stagnation et il se serait terminé en 1960, époque où les gouvernements interventionnistes auraient commencé à nuire à l'économie. Un autre dogme du Québec moderne tombe à l'eau. C'est nul autre que Duplessis qui serait l'artisan du rattrapage économique du Québec.

Mais ce qu'il y a de plus intéressant encore, c'est le paragraphe suivant:
Dans le premier tiers du siècle, les élites cléricales et nationalistes s'opposent à l'urbanisation et à l'industrialisation qu'elles voient comme une menace à la langue et à la religion. Dans ce contexte, les gouvernements Gouin et Taschereau ne peuvent mener à bien leurs politiques favorables au développement économique. Le premier gouvernement Duplessis, de 1936 à 1939, partage la vision clérico-nationaliste de méfiance à l'endroit du capital et du développement industriel.
L'urbanisation et l'industrialisation sont-elles une menace à la langue et à la religion? Au risque de me faire traiter de rétrograde, je répondrais oui. C'est dans les villes, en côtoyant des anglophones, que les Québécois sont devenus bilingues et qu'ils ont commencé à envoyer leurs enfants à l'école anglaise. Or le bilinguisme est la première étape de l'anglicisation. Quant à la religion, il n'y a pas de doute que l'industrialisation ait amené une prospérité matérielle qui nous aide à oublier notre fin dernière, jusqu'à ce que l'on se retrouve sur notre lit de mort et qu'on réalise que toutes ces choses, tout ce plaisir, tous ces voyages n'ont rien donné de permanent. L'étonnante vérité est que la prospérité économique (l'argent) est l'un des plus grands obstacles au bonheur éternel (Mc 10:17-25). De même, l'urbanisation a toujours été une source de corruption des mœurs. Les premières villes (Gn 11:4) ont été créées en défiance du dessein naturel de Dieu, comme moyen pour l'homme d'atteindre d'autres buts que ceux que le créateur leur avait fixés et d'affirmer leur indépendance face à la Providence.

La culture hippie des années 1960 et les nombreux mouvements qu'elle a inspirés est une reconnaissance des problèmes de l'urbanisation et de l'industrialisation. Nos écologistes "granola" sont les premiers à reconnaître que l'urbanisation et l'industrialisation endommagent l'environnement et déshumanisent l'homme qui se voit privé d'un style de vie sain et naturel. Prenez par exemple ce vidéo de Chinois qui travaillent dans une usine d'alimentation. Pas étonnant à quel point les animaux sont maltraités, on en est venu à s'y attendre; ce qui étonne, c'est à quel point le travail des personnes humaines est déshumanisant. Dans une séquence (1:28), on voit une femme dont le seul travail est d'écarter les pattes des poulets.

Se pourrait-il que les clérico-nationalistes de la "grande noirceur" aient compris quelque chose à l'existence humaine que les artisans de la Révolution tranquille ont oublié?

samedi 17 août 2013

Les athées sont-ils intelligents?

La petite tempête médiatique qui s'est soulevée à la suite d'une étude démontrant que les athées seraient plus intelligents que les croyants a suscité une réaction du directeur des communications du diocèse de Québec, monsieur Jasmin Lemieux-Lefebvre, que je connais pour l'avoir rencontré à quelques reprises. Monsieur Lemieux-Lefebvre essaye tant bien que mal avec les moyens qu'on lui donne de remettre les choses en perspective. J'aime beaucoup sa phrase "Un peu de science nous éloigne de Dieu, beaucoup de science nous y ramène", qui est totalement vraie, si on se fie aux plus grands scientifiques de l'histoire.

Devant un autre public, il aurait pu aborder la question différemment. Il aurait pu insister sur le fait que l'intelligence (au sens commun du terme) ne donne aucune garantie de connaître la vérité. Même les plus intelligents se trompent. À l'inverse, il arrive que des personnes simples réussissent à mieux cerner une question grâce à leur capacité d'aller droit au but, alors que la personne intelligente se perd dans les méandres de son raisonnement et arrive à compliquer même la question la plus simple. "J'aime les paysans, dit Montesquieu, ils ne sont pas assez savants pour raisonner de travers".

Les personnes simples sont particulièrement capables de cerner les vérités qui ne s'apprennent pas empiriquement. Dieu, qui prend un malin plaisir de remettre les hommes à leur place, cache ces vérités aux sages et aux prudents et les révèle aux simples (Lc 10:21). C'est aux enfants qu'il donne le secret du bonheur (Mt 18:3), il renverse le trône des puissants et il élève les humbles (Lc 1:52).

Le sens commun du mot "intelligent" nous réfère surtout à cette faculté intellectuelle de traiter des données, de faire des opérations mathématiques, de résoudre des problèmes mentaux. Le sens biblique du terme "intelligent" signifie "celui qui comprend", surtout celui qui comprend le sens de la vie. Dans le sens biblique du terme, l'athée est la personne la moins intelligente au monde. On l'appelle "l'insensé" (Ps 14:1), parce qu'il n'a pas compris la chose la plus élémentaire de l'existence.
Je détruirai la sagesse des sages, et j'anéantirai la science des savants. Où est le sage? où est le docteur? où est le disputeur de ce siècle? Dieu n'a-t-il pas convaincu de folie la sagesse du monde? Car le monde, avec sa sagesse, n'ayant pas connu Dieu dans la sagesse de Dieu, il a plu à Dieu de sauver les croyants par la folie de la prédication. (1 Cor 1:19-21)

vendredi 16 août 2013

L'édifice de l'identité québécoise s'effondre

Voici un extrait d'un article publié aujourd'hui dans le Huffington Post: 
Ainsi, une «essence franco-catholique», et seulement celle-ci, caractériserait si bien la société québécoise que l'affaiblissement de l'un de ses piliers devrait entraîner le tout à sa perte. Il suffisait d'y penser. 
L'auteur, Michel Paillé, critique un article de Johanne Marcotte qui prétend que l'attitude des "têtes parlantes" du Québec moderne ressemble à celui du clergé qui a précipité la chute de la pratique de la foi catholique. Ainsi, on peut s'attendre, selon elle, à une chute du fait français.

Je ne sais pas si Mme Marcotte a raison, si les Québécois arrêteront de parler français, mais je veux souligner que l'abandon de la foi catholique a d'autres répercussions que nous vivons actuellement et des conséquences plus graves encore que l'abandon de la langue française.

Le catholicisme était jusqu'à récemment à ce point lié à notre identité collective qu'il influençait et continue d'influencer nos valeurs et notre façon de penser. Le catholicisme nous donnait une raison d'être et une mission en tant que nation. Nous savions d'où nous venions et où nous allions. Le catholicisme nous permettait de distinguer entre le bien et le mal, le beau et le laid, la vérité et le mensonge. Le christianisme, avec ses valeurs de sacrifice et de charité, faisait de nous un peuple solidaire et convaincu. C'est ce que j'appellerais la grandeur d'âme du peuple canadien-français.

Aujourd'hui, que reste-t-il de ces valeurs identitaires? Il en reste de moins en moins. Les nouvelles générations sont de plus en plus égoïstes et individualistes. Mais pire encore, elles n'ont aucun repère, aucun objectif concret dans la vie qui n'a plus aucun sens. Ils ne voient pas de raison d'avoir des enfants sinon pour meubler leur grosse maison, pourquoi on devrait se sacrifier pour notre prochain, pourquoi on devrait continuer de vivre même si on souffre. Les nouvelles générations, même si elles parlent français, ont perdu l'identité de notre peuple pendant que les artisans de la Révolution tranquille applaudissaient. Elles ne sont plus à la hauteur de la dignité de notre peuple. L'assimilation a déjà fait son travail, seulement on s'aperçoit que l'ennemi n'était pas tant les Anglais que les révolutionnaires français avec leurs valeurs anti-chrétiennes.

Que l'on soit croyant ou non, il est nécessaire de se réapproprier ces valeurs judéo-chrétiennes qui font partie de notre identité. Arrêtons cette folie de laïcité intolérante qui est pire encore pour notre identité nationale qu'une politique d'anglicisation, notamment par le fait que nous ne faisons plus assez d'enfants pour assurer notre pérennité. En reniant notre héritage religieux et en marginalisant le catholicisme, on nuit à nous-mêmes.

Vivre jusqu'à 123 ans

La culture de la mort s'exprime de plusieurs façons. Voici les résultats d'un sondage sur le site web de La Presse:
68% des personnes sondées ne veulent pas vivre jusqu'à 123 ans

De tous les âges, chez tous les peuples, vivre le plus vieux possible était l'un des objectifs de toute personne saine d'esprit. Quel animal à part l'homme ne cherche pas à vivre le plus longtemps possible? Notre instinct de survie a-t-il été totalement éclipsé par la culture de la mort? Depuis que nos concitoyens sont perdus dans le cosmos, sans but dans leur vie, l'objectif de vivre le plus vieux possible et d'avoir de nombreux enfants est devenu parfaitement impertinent. Il semblerait que le nihilisme postmoderne ait réussi à convaincre la plus grande part de nos compatriotes de la futilité de notre existence.
Le nihilisme (du latin nihil, « rien ») est un point de vue philosophique d'après lequel le monde (et plus particulièrement l'existence humaine) est dénué de tout sens, de tout but, de toute vérité compréhensible ou encore de toutes valeurs. 
La souffrance est une chose intolérable pour la personne qui ne sait pas vers quel but elle avance. Pourtant, la souffrance fait partie de la vie, il faut s'y faire, sinon renoncer à vivre ou du moins renoncer à être heureux. Comme il n'y a pas de sens à la vie, celle-ci n'a pas de valeur intrinsèque. La volonté de vivre est alors conditionnelle à la qualité de vie, un terme totalement subjectif.

C'est une terrible tragédie qu'une personne ne veuille pas vivre, quelle que soit la qualité de sa vie. Pour la plupart des gens, tout se joue entre les deux oreilles. Il existe des quadriplégiques qui sont contents de vivre, même s'ils doivent se faire laver et changer leur couche durant toute leur vie, mais une personne ordinaire songe immédiatement à l'euthanasie face à cette perspective. Nous avons été conditionnés par le matérialisme pour voir l'homme comme n'ayant pas de valeur en soi. Ce n'est plus un drame de voir quelqu'un s'éteindre, on le voit comme une libération d'une vie opprimante, sans aucun but, sans aucun sens.

Le christianisme est l'antithèse de cette philosophie mortifère. En plus de clarifier les objectifs qui nous sont donnés par le créateur (vivre le plus vieux possible, avoir le plus grand nombre d'enfants possible, etc.), le christianisme nous donne le plus haut sens de la vie: acquérir la vie éternelle.

Tyrannie du Refus

Ma lecture suivie du Refus global pouvait donner l’impression que j’aurais préféré vivre dans le Québec d’avant la Révolution tranquille. Il n’en est rien. Ma lecture se voulait un peu humoristique… Meilleure chance la première fois.

Madame Manon Barbeau n’a pas réagi à mon article suivant qui se voulait plus sérieux. Mais je doute qu’elle apprécie ma lecture suivie. Après tout, on espère tous ne pas avoir à vivre le rejet (ou le refus) qu’elle a eu à vivre. Mais puisqu’il en est ainsi, autant que ce soit pour quelque chose de grand. Or ma lecture pouvait laisser croire que je ne vois rien de grand dans le manifeste des Automatistes. C’est faux. Le titre l’indique assez bien : il s’agit de faire exploser, pas de fonder. Ils savaient cela, les Automatistes. Ce sont leurs successeurs qui ont voulu fonder sur la dynamite.

Dans le film de Manon Barbeau, la personne la plus intelligente me semble être le fils de Borduas. Il dit entre autres (je cite de mémoire) : « Mon père voulait détruire les anciens mythes. Mais il est très difficile d’en forger de nouveaux. » C’est à cette tâche que nombre de poètes, penseurs, universitaires et artistes se sont essayés par la suite. Les résultats ont été désastreux quand ils n’ont pas été simplement risibles. Une « mythologie » sur laquelle s’est appuyé tout l’Occident pendant 18 siècles ne se remplace pas comme ça. On s’essaie et on se rend compte qu’il ne s’agit que d’une mise à jour poche de la « mythologie » que le christianisme a renversée d’une pichenotte. Dès lors, tout est à recommencer, et c’est peut-être pourquoi les mouvements chrétiens qui se réfèrent aux premiers siècles de l’Évangile ont plus de succès aujourd’hui que les autres.

Comme texte fondateur, le Refus global a institué dans la psyché collective un réflexe de… refus. Ce réflexe est présent dans toutes les sociétés occidentales mais il est particulièrement marqué ici. Depuis ce temps, notre choix le plus naturel est : « Aucune de ces réponses ». Du coup, le « blocus spirituel » que dénonce Borduas s’en est trouvé terriblement renforcé. Nous sommes pris au Québec dans ce que j’appellerais la tyrannie du refus. Il y a chez nous une injonction au refus qui nous empêche de faire des choix conscients au moment où il faudrait volontairement et librement faire ces choix.

Or, ce que Kierkegaard appelle le saut de la foi implique toujours un choix volontaire et conscient. Ce que nous choisissons au Québec est toujours quelque chose qui s’est imposé à nous parce que nous ne voyons pas que nous l’avons adopté par choix. C’est comme une amnésie sélective. Nous nous retrouvons à défendre une option qui semble aller de soi parce que nous ne nous rappelons plus ce moment précis où nous eu à faire le choix de cette option parmi d’autres au moins aussi valables. Et dès lors, cette option s’impose à nous comme la couleur du ciel. Le ciel est bleu, mais je n’ai pas eu à le choisir, et ceux qui disent qu’il est vert sont fous ou daltoniens, infirmes de toutes les façons…Ce qui explique que les Québécois répugnent tant à débattre : comment discuter avec quelqu’un qui est convaincu que le ciel est vert? En effet, mais il ne s’agit pas ici de la couleur du ciel.

Il y a eu un moment où l’option de la croyance en Dieu s’est présentée à un athée convaincu (comme, disons, Richard Martineau) avec tous les arguments (ou plusieurs d’entre eux) qui font que tant de gens indiscutablement intelligents croient en Dieu et même en l’Église apostolique romaine. Il a choisi, mais choisir signifie nécessairement ACCEPTER. Ce qui va à l’encontre du dogme du refus que le manifeste automatiste a institué dans l’esprit des gens. Du coup, le seul moyen de ne pas se prendre soi-même en flagrant délit de contradiction avec ce dogme, est d’oublier cet épisode où il a fallu faire un choix (donc accepter), et donc dire que l’athéisme n’est pas une question de choix mais de lucidité élémentaire, comme la perception du bleu du ciel n’est qu’une question de bon fonctionnement du système oculaire.

Or à ce jeu, la foi ne peut pas être de taille puisqu’elle implique toujours, pour être valable, un choix éclairé et conscient, donc une acceptation volontaire. Contre le refus. C’est seulement après cette acceptation que doit venir le refus. Car si on refuse la globalité des options, il n’y a plus d’acceptation possible, du moins d’acceptation consciente. Dès lors, un Richard Martineau n’est plus conscient que son athéisme est le fruit d’un choix. Il n’y a jamais eu de choix. Dieu n’existe pas et c’est tout. Et alors? Tu acceptes pourtant que tu es là? Comment l’expliques-tu? Le hasard? La sélection naturelle? Et il se retrouve à placer ces causes possibles de son existence sur le même plan que le bleu du ciel ou la rotondité de la Terre, ce qui relève de la plus colossale idiotie, le degré zéro de la pensée.

Il est à la mode de plaider la folie au tribunal. C’est ce que ces gens seront réduits à faire devant le Tribunal céleste. Je doute qu’il soit aussi bienveillant que notre système de justice l’est présentement. On sait que près de la moitié des verdicts de non-responsabilité criminelle au Canada sont prononcés au Québec. J’ai très envie d’y voir une conséquence plus ou moins directe de cette tyrannie du refus qui nous a été inculquée avec le Refus global. Cela dit, il est possible que tout ça ait été nécessaire. On a simplement réagi à l’injonction contraire qui était une tyrannie de l’acceptation. Pas besoin de faire un dessin, je pense. Sans doute qu’on en était là, dans le Québec de l’époque. Il faut seulement considérer ceci qui me semble définitif :Ce n’est pas parce que la Vérité a cessé d’être imposée qu’elle a cessé d’être… la Vérité.… avec son pouvoir libérateur révélé dans saint Jean (8, 32).

Le Québec de l’époque a vécu une situation inédite par rapport aux autres sociétés totalitaires (qualifions-la ainsi pour le moment). Normalement, ce qui est imposé, c’est ce qui n’a pas de bon sens. C’est d’ailleurs pour ça qu’il faut imposer. Le désir de vérité que porte tout homme lui dit que ça n’a pas de bon sens, mais l’autorité extérieure lui impose de l’accepter.

Dans le cas du catholicisme, les autorités ne se battent pas contre l’intuition du vrai mais contre la tyrannie des instincts. On se dit : puisque ce dogme a été imposé, ça doit vouloir dire qu’il est faux. Or qu’arrive-t-il lorsque ce dogme, pour avoir été imposé, n’en demeure pas moins conforme à la Vérité?On n’a pas envie que ce dogme soit vrai, non parce que notre intuition du vrai se révolte, mais parce qu’il va à l’encontre de notre instinct charnel.

Dans le premier cas, l’autorité en place devra user de méthodes coercitives fortes pour convaincre que le mensonge est vérité.

Dans le second cas, la coercition s’apparentera à celle dont usera des parents sévères voulant ramener son enfant dans le bon sens. La coercition ne pourra évidemment pas aller jusqu’aux camps de travail et aux famines provoquées. Viendra un temps où il devra se résoudre à laisser partir l’enfant en espérant qu’il tire les leçons qu’il faut de ses expériences et déceptions.

C’est la raison pour laquelle on a pu parler de Révolution TRANQUILLE, qui est un cas sans précédent, si je ne m’abuse, dans l’histoire humaine. Jacques Parizeau lui-même le signalait, dans une entrevue récente. Lorsque les acteurs principaux de la Révolution tranquille sont allés rencontrer les dirigeants de l’Église de l’époque pour exiger la prise en charge de la santé et de l’éducation (qui représenteront bientôt à eux deux les trois quarts de toutes les dépenses de la province) ils ont été renversés de se faire répondre : « Parfait, si c’est ce que vous voulez. On signe où? » On n’aurait jamais vu ça dans une société totalitaire au sens où on l’entend généralement.

Pourquoi ça s’est passé comme ça ici et pas dans les autres dictatures? Pour la bonne raison que ce qui était imposé ici n’était pas des théories fumeuses visant à remplacer une « mythologie » millénaire, mais la Vérité même. Quand le refus se veut global, ça signifie qu’il doit inclure dans sa globalité la Vérité même. C’est ce qui nous est arrivé.

Maintenant, il ne faudrait quand même pas exagérer. Il y a la Vérité et il y a la forme, l’écrin dans lequel elle est présentée. Et il y avait sans doute là beaucoup de choses à refuser. Pour cela, on peut remercier chaleureusement Borduas et sa bande.

jeudi 15 août 2013

La divinisation de la science

On vient de publier une "étude" selon laquelle les croyants seraient moins intelligents que les athées. Si le raisonnement critique fait partie de l'intelligence, je pense qu'il vient de prendre une débarque dans cette étude. Demandons-nous pourquoi, en premier lieu, on a choisi de faire une telle étude. Est-ce même dans le domaine du possible que la sorte de personne (un athée, sans doute) qui voudrait se poser une telle question n'ait pas dès le départ confondu son préjugé avec une hypothèse scientifique qui se voit automatiquement confirmée? Une telle étude, par le fait même qu'elle est menée par des scientistes (à distinguer de scientifiques), n'a pas plus de crédibilité que les nombrables études faites par des Nazis qui démontrent que la race arienne est la plus intelligente de toutes.

Est-ce une pure coïncidence que l'on y retrouve la phrase suivante:
"58% de scientifiques américains choisis au hasard ont exprimé un scepticisme ou un doute par rapport à l'existence de Dieu. Cette proportion est passée à presque 70% chez les scientifiques les plus éminents", selon une étude de 1916."
Selon une étude de 1919?? Ai-je bien lu? Et pourquoi parle-t-on ici de scientifiques en particulier? L'étude ne tente pas de prouver un lien entre l'intelligence et le fait d'être un scientifique. Les auteurs ont pour préjugé que les scientifiques sont plus intelligents et il se trouve, comme par hasard, que ces auteurs se prennent pour des scientifiques. Pour simplifier leur sophisme: les scientifiques sont intelligents, les scientifiques sont athées, alors les personnes intelligentes sont athées. Exit la logique et la méthode scientifique, nous sommes sur le terrain des croyances.

Cette "étude" grossière démontre que nous avons affaire à des scientistes (et non des scientifiques) qui affirment leur admiration pour un principe qu'ils appellent la "science" et qu'ils redefinissent arbitrairement pour exclure le théisme. L'admiration de la science ne peut pas provenir elle-même de la méthode scientifique. Le scientifique parfait serait un robot qui ne tirerait aucun avantage à confirmer ou infirmer une hypothèse. Dans ce sens, cette admiration nuit à l'objectivité des résultats obtenus. Le scientiste est une personne religieuse comme toutes les autres personnes de la planète. Son système religieux est un amalgalme de nominalisme, de matérialisme et de nihilisme. Il pense que la science peut donner une réponse satisfaisante à toute question qui mérite d'être posée. En somme, il divinise la science. On pourrait même aller jusqu'à dire que les scientistes ne sont pas du tout athées, puisqu'ils attribuent à la science des qualités divines. Cette tentative de démontrer qu'ils sont plus intelligents que les croyants n'est rien d'autre qu'un acte de dévotion envers la Science, une sorte d'idolatrie. Se vantant d'être sages, ils sont devenus fous (Rm 1:22).

La question n'est pas: "êtes-vous croyant?" mais "en quoi croyez-vous?". De même, si on ne croit pas en Dieu, on croit en une idole que l'on met à la place de Dieu, en l'occurence la Science. Donc, l'étude n'a pas de sens, puisqu'elle repose sur une distinction qui n'existe pas, c'est-à-dire l'idée qu'il y a des personnes croyantes et des personnes incroyantes.

Enfin, je voudrais remarquer que l'on a tendance à surfaire ce qu'on appelle l'intelligence, c'est-à-dire cette capacité du cerveau de traiter de l'information. Cette faculté est fort utile, mais elle ne donne aucune garantie de connaître la vérité, surtout celles qui lui sont inaccessibles directement et qui doivent nous être révélées. Je ne peux pas m'empêcher de terminer avec cette fabuleuse citation:
"La doctrine de la croix est une folie pour ceux qui périssent; mais pour nous qui sommes sauvés, elle est une force divine. Car il est écrit : " Je détruirai la sagesse des sages, et j'anéantirai la science des savants." Où est le sage? où est le docteur? où est le disputeur de ce siècle? Dieu n'a-t-il pas convaincu de folie la sagesse du monde? Car le monde, avec sa sagesse, n'ayant pas connu Dieu dans la sagesse de Dieu, il a plu à Dieu de sauver les croyants par la folie de la prédication. Les Juifs exigent des miracles, et les Grecs cherchent la sagesse; nous, nous prêchons un Christ crucifié, scandale pour les Juifs et folie pour les Gentils, mais pour ceux qui sont appelés, soit Juifs, soit Grecs, puissance de Dieu et sagesse de Dieu. Car ce qui serait folie de Dieu est plus sage que la sagesse des hommes, et ce qui serait faiblesse de Dieu est plus fort que la force des hommes." (1 Cor 1:18-25)

mercredi 14 août 2013

Les enfants du Refus global

(Ce message a été envoyé à la cinéaste Manon Barbeau)


Suite à ma lecture suivie d’avant-hier, j’ai écouté le documentaire de Manon Barbeau Les enfants du Refus global, disponible dans le fabuleux coffre aux trésors qu’est le site de l’ONF (http://www.onf.ca/film/enfants_de_refus_global ). Manon est la fille de Marcel, le peintre signataire du manifeste. Elle a rencontré d’autres enfants de signataires, ainsi que certains signataires eux-mêmes (Marcelle Ferron, Pierre Gauvreau, Jean-Paul Riopelle, son père Marcel...) Le résultat est assez instructif. 

D’abord on se rend compte que le précepte qui a été le plus fidèlement suivi est la première phrase du manifeste : « Rejetons de modestes familles canadiennes-françaises… » Ça signifiait pour eux : « Rejetons la famille! » Ou plus prosaïquement « Rejetons nos enfants! » Ils avaient un art à développer, une œuvre picturale à construire et cela devait nécessairement signifier l’abandon de leurs familles (de leurs enfants). C’est-ce que nous explique en ces termes à peu près exacts le père de la cinéaste, Marcel Barbeau, qui a tout bonnement donné sa fille et son fils François en adoption pour pouvoir se consacrer à son art. À sa justification par la parabole des talents qu’il faut faire fructifier, on pourrait rétorquer ces mots de saint Paul : « Si quelqu'un ne prend pas soin de sa parenté et surtout des membres de sa propre famille, il a trahi sa foi, il est pire qu'un incroyant. » (1Tim 5, 8) J’aime bien penser à Jean-Sébastien Bach écrivant sa Messe en si avec ses 20 enfants s’amusant autour de lui. Oui, Jean-Sébastien Bach a eu 20 enfants, de deux femmes différentes (16 de la dernière, Anna-Magdalena), et vous me permettrez de douter que son œuvre en ait souffert. Mais ce n’est pas là-dessus que je veux insister.

C.G Jung et Mircea Éliade  expliquent qu’il y a dans les œuvres fondatrices des archétypes, qui expriment des modèles élémentaires de comportement humain. Une fois exprimés, ceux-ci vont se figer dans la psyché du peuple d’où est issue l’œuvre en question. Je pense que le Refus global est une œuvre fondatrice, et qu’on lui doit l’action achétypique que vous avez certainement observée plusieurs fois dans votre entourage et que j’appellerais : le dompage d’enfants. Il fallait ensuite que ce noble idéal puisse « devenir actif  (sur le plan social) », pour citer Borduas. Et c’est alors que Madame Pauline Marois, grande zélatrice du prophète automatiste, est arrivée avec ses garderies à 5$! Institution unique au Québec, comme on sait…

Ce qui ressort de ce film, c’est une tristesse infinie. La séquence avec Jean-Paul Riopelle est particulièrement pathétique, au sens non railleur du terme. Tristesse de ne pas avoir été à la hauteur d’une destinée qui dépassait largement le fait banal de pouvoir exposer à Paris des toiles qui finiront par valoir quelques futiles millions de dollars. Il le sait : il ne pourra pas plaider la valeur de ses toiles lorsque viendra le temps du Jugement. L’impression d’avoir raté sa vie et gâché celle de ses proches, et qu’il est trop tard pour essayer de réparer les torts lui semble absolument insupportable. On sent qu’il aurait envie de nous dire : « C’était une esti d’arnaque tout ça! » Il ne le dit pas parce que ce n’est pas ce que les gens veulent entendre. Alors il ne dit rien. Mais il ressort de ce film ceci : Là n’est pas le bonheur. Là n’est pas l’accomplissement. Pas plus que dans sa version soft de la réalisation professionnelle qui nécessite d’envoyer ses enfants à la garderie 11h par jour. L’homme est appelé à quelque chose de bien plus grand, et les enfants, loin d’être un obstacle, lui son d’un précieux secours dans son accomplissement. « Les fils qu'un homme a dans sa jeunesse sont pareils à des flèches dans la main d'un guerrier. Heureux l’homme qui en remplira son carquois. » (Ps 127,4-5) De voir le fils schizophrène de Marcel Barbeau présenter ses toutous m'a fait penser aux cultes à Moloch. L'Art ne peut pas être une idole. À son mieux, elle est un moyen d'atteindre le créateur.

Bach disait: « Le but de la musique devrait n'être que la gloire de Dieu et le délassement des âmes. Si on ne tien pas compte de cela, il ne s'agit plus de musique mais de nasillement et beuglement démoniaques. » C'est aussi vrai pour la peinture et pour toutes les autres formes d'art.