mardi 6 août 2013

La gestation pour autrui

J'apprends aujourd'hui dans le Devoir qu'il se déroule une consultation publique sur la procréation assistée. On se demande pourquoi elle est dite "publique" si elle se déroule en privé et que les témoignages ne seront pas rendus publics. Notre gouvernement que nous savons être éminemment plus éclairé que nous-mêmes s'apprêterait-il à nous imposer une décision malgré nous? Voyons donc.

Sur la question de fond: la procréation assistée et plus particulièrement la gestation pour autrui, est-ce bon ou mauvais?

En tant que père de famille, je trouve réellement triste que certains couples ne soient pas capables d'avoir d'enfants. Mais ce sentiment de pitié suffit-il pour rendre une pratique moralement acceptable? Bien sûr que non. La fertilisation in vitro a d'énormes problèmes éthiques, mais dès le moment où Julie Snyder s'est mise à pleurer à la télé pour que l'État en assume les frais, l'éthique a pris le bord. Quelques années plus tard, du bout des lèvres, on commence à admettre que les dérives annoncées jadis par les prophètes du malheur se réalisent.

Maintenant il est question de créer un cadre juridique pour les mères porteuses. L'argument employé est celui que nous connaissons pour plaider en faveur de la légalisation de la marijuana et la prostitution: "la pratique est déjà courante, il ne faut pas faire l'autruche", etc. Évidemment cet argument ne tient pas la route sur le plan de la morale, mais il faut être pragmatique, n'est-ce pas?

Pourtant, il existe de nombreux arguments contre, dont celui invoqué par une de mes anciennes professeurs, Louise Langevin, farouche féministe, qui nous dit que la légalisation de la gestation pour autrui mènera à l'instrumentalisation du corps de la femme. C'est l'argument classique employé par les féministes et je suis entièrement d'accord avec cet argument. Mais encore ici, on laisse de côté la question éthique de fond: la pratique des mères porteuses est-elle objectivement bonne ou mauvaise? Personne ne semble vouloir se poser la question.

Si on prend le temps de réfléchir, on comprend assez vite que la pratique des mères porteuses est moralement répréhensible. Même du point de vue utilitariste, les dommages forcément causés par cette pratique seront plus sérieux que les bienfaits potentiellement escomptés. Prétendre que l'on peut faire abstraction du lien affectif créé entre une mère porteuse et le bébé qu'elle met au monde revient à faire d'elle un utérus ambulant. Elle restera marquée par le traumatisme de lui faire enlever son bébé qui n'était pas "le sien" juridiquement. Du point de vue des parents biologiques, prétendre que l'on peut substituer une insémination ou une implantation à l'acte sexuel suivi d'une grossesse, c'est se tromper gravement.

En effet, les mêmes difficultés morales surgissent à chaque fois que l'on tente de séparer l'acte sexuel de la reproduction. La constitution psychologique d'une personne est intimement liée à sa sexualité et à sa capacité de se reproduire. Dans une relation conjugale, le bien-être affectif du couple repose sur l'ouverture à avoir des enfants qui les uniront plus que toute autre chose et qui accomplira l'objectif principal de l'union entre l'homme et la femme. Si on rompt le lien entre l'acte sexuel et la reproduction, même temporairement au moyen de la contraception, on perturbe l'équilibre affectif du couple qui dépend de la reproduction pour atteindre son plein épanouissement. Dans le cas de la gestation pour autrui, où il n'y a ni acte sexuel, ni relation affective (comme la prostitution, où il n'y a ni relation affective, ni reproduction), les personnes impliquées, surtout la mère porteuse, ne peuvent pas réaliser leur plein potentiel en tant qu'êtres humains sexués et reproducteurs.

Le couple qui recourt à une mère porteuse est déjà frustré dans sa sexualité et sa relation affective souffre du fait que la fonction fondamentale de l'union entre l'homme et la femme ne peut pas s'accomplir. On comprend le besoin de se reproduire, besoin qui est habituellement nié par le féminisme et la culture populaire qui dissocie totalement la sexualité et la reproduction. Malheureusement, ce besoin ne sera pas comblé sans mettre à contribution leurs propres corps et leur propre sexualité, encore moins le corps d'une autre femme. D'autre part, on ne corrige pas un problème en ayant recours à une solution qui crée d'autres problèmes pires encore. C'est précisément ce qu'a fait Sara la femme d'Abraham en lui offrant l'utérus de sa servante Agar pour palier à son infertilité (Gn 16), ce qui n'a rien réglé pour elle en fin du compte (Gn 21).

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