lundi 26 août 2013

L'originalité du christianisme

J’en étais à parler avec la mère d’une de mes amies qui est une fervente du nouvel âge et du « toutes les religions sont pareilles en réalité » et elle a voulu que nous abordions le thème de cette fameuse charte de la laïcité. Pour elle, qui a l’opinion, il me semble, de 75% des québécois d’aujourd’hui et qui a élevé ses enfants de façon laïque, il ne fait aucun doute qu’empêcher les femmes de porter le voile soit une absurdité. Il est aussi évident pour elle que la prière lors du conseil municipal soit une absurdité. Il y a un désir de liberté d’un côté, et de l’autre, il ne faut pas trop faire exprès pour déranger.

La difficulté, c’est que ce n’est pas vrai que les religions sont toutes pareilles. Si je puis me permettre de rappeler, dans un premier temps, que toutes les religions qui ne relèvent pas du monothéisme (à savoir les cultes grecs, l’hindouisme, le bouddhisme et toutes les formes de panthéisme que les colons ont pu trouver en arrivant sur ce qu’ils appelaient de nouvelles terres) considèrent que l’être humain n’est pas un être particulier dans la nature, mais qu’il est plutôt partie intégrante de celle-ci. Qu’est-ce à dire? Qu’il faut prendre bien garde d’élever l’être humain au-dessus de ce qui l’entoure. On voit la montée du végétarisme, ce n’est pas qu’une question de bien s’alimenter en essayant de s’éloigner des produits chimiques et de la production industrielle (et je dois avouer que je prône quand même le végétarisme dans le contexte industriel actuel qui ne concède aucune forme de respect pour l’animal et la nature), mais c’est surtout fondé sur une donnée spirituelle forte qui est celle de former un tout. L’homme, dans ce type de spiritualité, est une goutte appelée à se fondre dans l’océan. Plus il réussit à se fondre dans l’océan, plus il atteint la sérénité. Cet océan, c’est ce qu’il y a de véritable en-deça du visible. Les disciples de Bouddha sont, par exemple, appelés comme lui à se détacher du monde, suite au constat de toutes les agitations et des souffrances qui s’y trouvent, pour atteindre ce qu’il a nommé le nirvana (extinction). Quand Bouddha a constaté que le monde était souffrance, il a cherché le moyen de s’en extraire.

Dans un deuxième temps, je voudrais souligner l’originalité du christianisme, et plus précisément celle de la mystique chrétienne. Chez tous les partisans des religions ci-haut nommées, le désir foncier est celui de s’extirper du monde visible afin d’atteindre la véritable réalité. Même son de cloche au niveau des Grecs, que ce soit dès l’origine (avec le monde des Idées de Platon) ou encore avec le néoplatonisme (notamment Plotin) qui préconise une fuite du « seul vers le Seul ». Avec Jésus, quelque chose de scandaleux se passe (on ne mesure pas aujourd’hui, tellement nous sommes pétris de christianisme, à quel point il est horrible de penser, pour un Juif, que Dieu s’incarne, c’est-à-dire qu’il devienne chair, fini, limité) : Dieu, qui est toutes possibilités, hors de toutes catégories, devient chair, et non seulement devient-il chair, mais Il nous encourage à manger son corps et à boire son sang. Mais qu’est-ce que cela? Il n’y a rien comme ça auparavant. Cette cène n’est pas seulement importante, elle est cruciale, elle est centrale, elle est le cœur du christianisme. D’un coup, la matière, jusqu’alors vécue comme un badtrip consensuel acquiert une importance insoupçonnée : la matière va désormais servir le culte, non pas seulement par symbolisme ou par offrande (je pense aux cultes judaïques), mais comme une présence réelle de Dieu, réitérée à chaque occasion. Il ne s’agit plus, pour le mystique, de quitter le monde matériel pour atteindre Dieu, il lui faut maintenant apprendre à vivre avec la matière, la prendre comme ce qu’elle est c’est-à-dire un instrument de déification.

Enfin, les religions ne sont pareilles que pour ceux qui n’en pratiquent aucune de façon fervente. Les religions ont toutes leur magnificence, mais il ne faut pas charrier. Il y a peu de mouvements d’aide aux pauvres chez les hindous pour la simple et bonne raison qu’il y a des castes et que certaines difficultés font parties du fatalisme qui est propre à leur worldview. Notre religion fondatrice, c’est le catholicisme. Rappelons-nous en et réjouissons-nous plutôt que d’en pleurer.

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