dimanche 25 août 2013

Comment préserver notre héritage religieux

L'historien Gilles Laporte a publié aujourd'hui un texte remarquable sur la nécessité de préserver notre patrimoine religieux. Après avoir applaudi le Parti québécois pour sa tentative de codifier nos "valeurs" collectives, il écrit ce paragraphe étonnant:
Affirmer le caractère laïque de l'État tout en préservant le patrimoine religieux est absolument nécessaire, mais cela ne va pas de soi. Si intégrer les nouveaux arrivants aux valeurs et à la culture de la majorité passe par la valorisation de notre culture, il est ironique qu'une bonne part de cette dernière soit issue de notre passé catholique. Or, si ces distinctions sont nouvelles pour le grand public, il y a longtemps que le milieu patrimonial et muséal les a démystifiées, si bien que distinguer l'expression de signes religieux de la préservation du patrimoine religieux repose tout compte fait sur des règles simples sur lesquelles s'appuyer.
Ce qui est étonnant, c'est qu'il admet ouvertement ce que les autres évitent soigneusement de dire: notre culture est en grande partie catholique.

L'auteur se demande ensuite comment accorder à notre "passé catholique" une place appropriée sans compromettre la sacro-sainte laïcité. Il propose une approche muséologique: préserver les éléments matériels tels que les églises, les cimetières et les chemins de croix, ainsi que les aspects folkloriques tels que les traditions orales et les pratiques religieuses, j'imagine en les enregistrant et en constituant une base de données.

Parler de faire des musées, de cataloguer, de préserver des spécimens, c'est constater la mort de la chose en question, c'est constater qu'il n'a pas été possible de la préserver. Essayez de faire passer cette approche chez les autochtones. "Oui, votre culture est merveilleuse, mais elle est morte, donc il faut la cataloguer et la mettre sous verre pour la préserver." Ou essayez cela avec les Canadiens-français en voie d'assimilation dans les autres provinces. "C'est pas grave, on ne peut pas éviter l'inévitable, laissez-vous aller... on va cataloguer et préserver des spécimens, enregistrer les histoires des personnes âgées et on arrivera à "préserver" votre culture."

C'est l'attitude d'une personne qui n'attache pas de valeur réelle à la culture en question, dont l'approche est purement sociologique et désintéressée. Ou pire encore, c'est l'attitude d'une personne qui, en suggérant que l'on déplace le crucifix du salon bleu de l'Assemblée nationale, préfère que cet aspect de notre culture soit bien isolé, mis en cage, pour éviter qu'il ne fasse d'autres dégâts.

Avant d'aller plus loin, je voudrais faire remarquer à monsieur Laporte que le catholicisme au Québec n'est pas encore mort. Pour le préserver en tant que chose vivante, il faut d'abord que l'on reconnaisse sa valeur et qu'on veuille le préserver en tant que chose vivante. Cela n'exige pas que le Québec adopte le catholicisme comme religion d'État et qu'on se mette à convertir la population de force. Il suffit de cesser l'oppression systématique des institutions religieuses, en commençant par les écoles catholiques. Le curriculum exclusif et obligatoire du ministère de l'Éducation interdit que l'on enseigne la religion aux élèves, même dans les écoles privées. Redonnez aux Catholiques le droit d'exister et ils feront le reste d'eux-mêmes. Redonnez-leur le droit à des écoles vraiment catholiques et le catholicisme prendra, par sa vertu propre, la place qui lui revient. L'histoire le démontre et les laïcistes le savent très bien. Le christianisme, dans les conditions idéales, se propage comme un feu de brousse. Le Québec actuel en quête de sens et désorienté dans son identité nationale constitue les conditions idéales pour l'évangélisation.

Il n'est même pas nécessaire d'accorder un traitement privilégié au catholicisme. Mais pourquoi ne pas lui accorder un traitement privilégié en tant que religion historique de la majorité, pour des raisons culturelles? Cela se fait dans d'autres pays sans que l'on remette en question le principe de la laïcité.

On peut ne pas être croyant tout en reconnaissant les vertus du catholicisme. Même dans le cas contraire, on n'a pas le droit d'opprimer ce système religieux en lui enlevant le droit d'exister, surtout lorsqu'il s'agit de notre religion historique et patrimoniale. Précipiter le déclin du catholicisme au Québec pour ensuite le "préserver" dans un musée est l'équivalent de tirer sur le dernier tigre blanc pour empailler sa carcasse.

1 commentaire:

  1. Merci de votre appréciation. Je partage vos inquiétudes, mais il s'agit bien ici d'affirmer le caractère laïc de l'État. Or on l'assume ou on ne l'assume pas. Je n'ai rien contre le messianisme catholique, et encore moins contre les valeurs qu'il sous-tend, mais si la charte proposée doit servir à le soutenir de quelque manière, alors qu'on ne parle plus de laïcité. Quant au crucifix à l'AN, soyons sérieux, la mise en valeur de notre passé catholique ne dépend absolument pas de sa présence ou non au parlement, le lieu neutre par excellence. "L'Église c'est Nous" lançait Vatican II. Justement s'attacher à des symboles matériels aurait davantage un lien avec le problème qu'avec la solution.

    G. Laporte

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