mercredi 28 août 2013

La Souveraineté et l'Amour

Québec manque de leaders, c’est un lieu commun depuis plusieurs années maintenant. Si on veut faire la souveraineté, on va avoir besoin que le projet soit pris en charge par des individus qu’on voudra pouvoir qualifier de leaders, cela va de soi.

Or quelle est la première qualité que doit posséder un leader aux yeux des gens pour qu’ils consentent à le suivre? L’amour. Encore une fois, Jésus exprime tout ça de façon définitive, au chapitre 10 de l’Évangile de Jean, lorsqu’il distingue le vrai pasteur du mercenaire qui est là pour ses intérêts personnels ou pour ceux de son école.

Les gens doivent pouvoir «reconnaître la voix» du leader, ce qui n’est possible que si le leader en question éprouve de l’amour pour les gens qu’il propose de guider vers de «verts pâturages».

C’est évidemment ce que les Québécois sentaient lorsqu’ils entendaient René Lévesque leur parler.

Maintenant que faudrait-il penser d’une personne qui dirait : «Je t’aime mais je hais 80% de ce qui a contribué à te faire tel que tu es profondément »? Arrêtons-nous pour y réfléchir, question de voir dans quelles conditions cette proposition pourrait avoir du sens.

Il se pourrait que la personne aimée ait été abusée pendant une longue partie de son enfance. Dans ce cas, l’amoureux n’aimerait sans doute pas cet épisode de la vie de l’aimé, mais il est peu probable qu’il considérerait que ce soient ces abus qui aient contribué à faire cette personne pour 80% de ce qu’elle est vraiment. Car alors on aurait quelque chose comme: «Tu es un abusé avant tout et c’est pour ça que je t’aime!», ce qui entrerait en contradiction avec la déclaration d’en haut.

À l’autre opposé, l’aimé risquerait de ne pas être tellement plus heureux d’entendre quelque chose comme : «Je t’aime uniquement lorsque je ne considère pas ce que tu as vécu de difficile dans ton existence.» Car alors, s’il prenait à l’aimé l’envie de parler des épisodes traumatisants de sa vie pour les exorciser, étape fondamentale à la guérison, il saurait qu’il ne pourrait le faire avec la personne disant l’aimer de tout son coeur. Ce qui est un peu embarrassant.

Ceux qui prétendent vouloir nous guider me semblent continuellement alterner de ce pôle à l’autre sans aucune gradation. Pour eux, l’Église nous a abusé pendant 350 ans (absurdité colossale en soi) et il convient de faire, soit comme si cet épisode n’avait jamais eu lieu, soit comme s’il avait été si important que nous ne pourrions pas être autre chose qu’une gang de ti-casses…

René Lévesque n’avait ni cette indifférence, ni cette condescendance. Il aimait le peuple Québécois intégralement, dans toute la réalité de son essence profonde. Il ne considérait pas le peuple qu’il se proposait de guider comme deux peuples, l’un d’avant Expo67 et l’autre d’après, aimant l’un et détestant l’autre. Il aimait passionnément un peuple qui était né d’un désir d’évangélisation, qui avait défriché une terre ingrate, qui avait été laissé à lui-même et qui avait survécu dans les conditions les moins favorables; qui s’était ouvert au monde et à la modernité et dont l’aventure continuait… Une aventure qu’il considérait grandiose et qu’il ne voulait pas décider arbitrairement de faire commencer ailleurs que où elle avait commencée réellement sous prétexte qu’il n’était pas lui-même encore né à cette époque, ou pour quelque autre prétexte fallacieusement idéologique. Qu’est-ce qui me fait dire une telle chose? Sur quoi je m’appuie pour prétendre connaître la pensée de René Lévesque à ce sujet?

En liminaire du catalogue de l’exposition le Grand Héritage, présentée au Musée du Québec en 1984-85 pour célébrer les 450 ans de l’histoire du Québec en Amérique, il écrivait ceci:
«[...] Ce sera une façon de nous dire à nous-mêmes et d’expliquer à autrui quelle fut l’histoire de l’épanouissement de la foi de nos ancêtres et comment elle a constitué une motivation pour des générations de femmes et d’hommes qui se sont mis à la tâche de bâtir ici un nouveau monde. Ainsi, depuis la prière de Jacques Cartier et de son équipage au pied de la croix plantée à Gaspé au nom du roi de France, depuis la première messe qui présida à l’établissement de Ville-Marie, depuis les enseignements d’une Marguerite Bourgeoys, depuis les œuvres fondatrices à Québec d’un François de Laval, toutes ces vies menées avec un magnifique don de soi constituent autant de signes de la vigueur avec laquelle tant de fidèles ont servi l’Église et notre peuple. Le Grand Héritage nous rappellera les plus illustres parmi eux, mais il évoquera aussi toutes celles et tous ceux, plus anonyme face à l’histoire qui, par leur sens de l’idéal, ont permis aux valeurs les plus essentielles du christianisme de ce déployer en cette terre d’Amérique. Tous ces fidèles qui ont vécu leur foi au rythme de la vie laïque, toutes ces communautés de religieuses et de religieux, en œuvrant dans l’enseignement, les soins aux malades, les services aux plus démunis, ont concrétisé une promesse de charité et apporté une dimension humanitaire à nos vies quotidiennes. Tous ces curés, chefs de nos paroisses, qui ont accompagné les étapes du peuplement de notre patrie en ont été pendant toute un époque l’élite naturelle. Notre histoire ne se comprend pas sans retenir les rôles indispensables qu’ont joués avec tout leur talent et leur force ces hommes et ces femmes de l’Église de l’enracinement.»
Imaginez-vous ces mots sortant de la bouche de Pauline Marois, Amir Khadir ou de n’importe quel autre «leader» souverainiste?

Moi non plus.

1 commentaire:

  1. René Lévesque aimait vraiment les Canadiens-Français pour qui ils étaient, de leurs racines à leurs feuilles. C'est beau à lire.

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