jeudi 5 septembre 2013

Le paradoxe du crucifix à l'Assemblée nationale



Il s’agit pourtant d’un épisode célèbre…

 

Nous sommes en Judée, il y a un peu moins de 2000 ans… Comme la presque totalité des peuples du pourtour méditerranéen, les Juifs sont sous la tutelle de l’Empire. Comme à leur habitude, les Romains n’exercent pas une domination trop lourde. Habiles et pragmatiques, ils ne veulent pas que les peuples soumis aient envie de se révolter. Ils lèvent bien sûr des impôts (un empire ça se paie!), mais ils laissent aux gens beaucoup de libertés (religieuses entre autres) qui font en sorte que ceux-ci sont finalement assez contents d’être sous la domination de Rome.

 

Du moins, chez les peuples ordinaires. Mais on le sait bien (et les Romains le savaient bien aussi), les Juifs ne sont pas un peuple ordinaire. C’est un peuple fier avec une histoire glorieuse, et ils auront beau se faire offrir tous les accommodements raisonnables possibles, ils ne seront jamais heureux d’être sous la domination de qui que ce soit, fut-ce l’empire le plus puissant de l’histoire.

 

Cependant, se révolter contre Rome à cette époque, ce n’est pas exactement ce qu’on pourrait appeler une bonne idée. Aussi les mouvements séparatistes restent marginaux, même s’ils jouissent de la sympathie d’une majorité silencieuse. L’Empire est au sommet de sa puissance et il faudrait, pour arriver à s’en libérer, rien de moins que… le Messie lui-même…

 

Il faut alors s’imaginer à quoi il pourrait ressembler, question qu’on puisse le reconnaître des fois qu’il aurait envie de descendre… Depuis le temps qu’on l’attend…

 

Évidemment que Moïse reste la référence absolue quand on essaie de se figurer un sauveur, mais dans les circonstances un Josué serait des mieux venus. N’est-ce pas lui qui a pris la tête de l’armée israélite pour chasser du territoire les sept peuples qui l’occupaient? Et n’est-ce pas de cela qu’il s’agit maintenant : chasser du territoire un peuple qui l’occupe pour que les Israélites puissent en (re)prendre possession? 

 

Ça tombe bien, il y a justement un homme à ce moment qui semble parfaitement correspondre au profil recherché. Un homme qui semble avoir la sagesse et le charisme nécessaire et qui s’appelle… Josué! Nom qui signifie « Celui-qui-sauve ».

 

Ça semble trop beau pour être vrai, il faut aller y voir. À ce moment, des militants séparatistes (on les appelle des zélotes) suggèrent qu’on cesse de payer l’impôt à Rome, un peu comme des séparatistes québécois pourraient vouloir qu’on cesse de payer l’impôt au fédéral. Certains d’entre eux décident de présenter cette proposition à Josué pour voir comment il va réagir, question de savoir à quelle enseigne il loge. « Doit-on, oui ou non, payer l’impôt à Rome? » Comme c’est souvent le cas, Josué ne répond pas directement à la question. Il demande d’abord qu’on lui tende une pièce de monnaie. Puis il demande de qui est l’effigie sur la pièce. César? Eh bien « Rendez à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui appartient à Dieu. »(Marc 12)

 

Il est difficile aujourd’hui de mesurer ce que cette phrase pouvait avoir de révolutionnaire. J’ai même lu quelque part que c’est à ce moment que les Romains ont décidé de collaborer avec les autorités juives pour faire crucifier ce fauteur de trouble. Bien sûr, dans la phrase, César représente la politique et Dieu représente la religion. On parle donc de la phrase fondatrice de ce qu’on a appelé plus tard la laïcité. Séparer le politique du religieux! C’était une idée de fou furieux à l’époque. L’empereur était vénéré comme un dieu avec tout un apparat cultuel, et c’est pour avoir refusé une telle vénération qu’un nombre ahurissant de martyrs sont morts dans les arènes, bouffés par les lions ou écartelés, lors des premiers siècles du christianisme. Il en a fallu du sang pour que cette idée fasse son chemin dans les esprits et s’impose au point où elle semble aller de soi… (Dans les pays de traditions chrétiennes, s’entend… Dans les autres c'est plus difficile, l'actualité internationale est là pour en témoigner, c'est bien le moins qu'on puisse dire!)

 

Il en a fallu du sang… Et d’abord celui de l’homme qui se trouve sur ce crucifix que vous voulez enlever de l’Assemblée nationale au nom de… la laïcité. Car la phrase fondatrice de la laïcité, elle a été prononcée par cet homme qui ce trouve sur cette croix… C’est d’ailleurs en partie pour l’avoir prononcée qu’il s’y trouve… Cette phrase fondatrice de la laïcité… Au nom de laquelle vous voulez enlever cette croix… Etc. 

 

Il est étrange qu'aucun chroniqueur ou commentateur d'aucun de nos grands journaux ne relève ce drôle de paradoxe. J'en déduis qu'aucun d'entre eux n'a la culture nécessaire pour avoir quelque opinion valable que ce soit sur le sujet. Mon Dieu, jusques à quand les gérants d'estrades salariés pour guider l'opinion du peuple?

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