Ce qui va
donc suivre consiste donc en des notes de (3 h de) lecture. J’en ai pour 11 pages sur Word en Calibri 11.
J’aime mieux vous avertir d’avance. Le prochain post sera une réflexion plus
approfondie à partir de ces notes. Vous pouvez y passer immédiatement et
laisser faire ce message-ci…
Allons-y.
Le « Prologue
sur le théâtre » oppose la culture populaire à la culture savante. Le
poète est dégoûté par la masse à la recherche de divertissement alors qu’il
vise l’absolu par son art :
Ne me retracez point cette foule insensée,
Dont l’aspect m’épouvante, et glace ma pensée,
Ce tourbillon vulgaire, et rongé par l’ennui,
Qui, dans son monde oisif, nous entraîne avec lui ;
Tous ses honneurs n’ont rien qui puisse me séduire :
C’est loin de son séjour qu’il faudrait me conduire,
En des lieux où le ciel m’offre ses champs d’azur,
Où, pour mon cœur charmé, fleurisse un bonheur pur,
Où l’amour, l’amitié, par un souffle céleste,
De mes illusions raniment quelque reste.....
Dont l’aspect m’épouvante, et glace ma pensée,
Ce tourbillon vulgaire, et rongé par l’ennui,
Qui, dans son monde oisif, nous entraîne avec lui ;
Tous ses honneurs n’ont rien qui puisse me séduire :
C’est loin de son séjour qu’il faudrait me conduire,
En des lieux où le ciel m’offre ses champs d’azur,
Où, pour mon cœur charmé, fleurisse un bonheur pur,
Où l’amour, l’amitié, par un souffle céleste,
De mes illusions raniment quelque reste.....
Ce poète
parle à un directeur de troupe. Robert Lepage bien sûr :
Surtout, de nos décors déployez la richesse,
Qu’un tableau varié dans le cadre se presse,
Offrez un univers aux spectateurs surpris.....
Pourquoi vient-on ? pour voir : on veut voir à tout prix.
Sachez donc par l’effet, conquérir leur estime,
Et vous serez pour eux un poète sublime.
Qu’un tableau varié dans le cadre se presse,
Offrez un univers aux spectateurs surpris.....
Pourquoi vient-on ? pour voir : on veut voir à tout prix.
Sachez donc par l’effet, conquérir leur estime,
Et vous serez pour eux un poète sublime.
Mais le
poète est un puriste.
Quel que soit du public la menace ou
l’accueil,
Un semblable métier répugne à mon orgueil ;
Un semblable métier répugne à mon orgueil ;
Il y a pour lui une frontière. Le directeur n’est
pas d’accord. Le poète lui répond :
Faut-il donc, à ton sens, faut-il que le
poète,
Dont Dieu même, ici-bas, se fit un interprète,
Aille, déshonorant ce titre précieux,
Répudier les dons qu’il a reçus des cieux ?.....
Dont Dieu même, ici-bas, se fit un interprète,
Aille, déshonorant ce titre précieux,
Répudier les dons qu’il a reçus des cieux ?.....
Le poète
dont il parle est évidemment le roi David. Il continue plus loin :
Rends-moi […] Ma jeunesse !....
En un mot, sache en moi ranimer
La force de haïr, et le pouvoir d’aimer.
La force de haïr, et le pouvoir d’aimer.
Voilà, si je
ne me trompe ce que va exiger le docteur Faust, homme le plus savant de son
temps mais qui a perdu le pouvoir d’aimer… On pourrait (on l’a certainement
fait) méditer longtemps sur ces deux vers.
Le prologue
se termine par les mots du directeur (Robert Lepage) :
La foule
veut du neuf, qu’elle soit satisfaite !À contenter ses goûts il faut nous attacher ;
Qui tient l’occasion ne doit point la lâcher.
Mais, à notre public tout en cherchant à plaire,
C’est en osant beaucoup qu’il faut le satisfaire ;
Ainsi, ne m’épargnez machines, ni décors,
À tous mes magasins ravissez leurs trésors,
Semez à pleines mains la lune, les étoiles,
Les arbres, l’Océan, et les rochers de toiles ;
Peuplez-moi tout cela de bêtes et d’oiseaux,
De la création déroulez les tableaux,
Et passez, au travers de la nature entière,
Et de l’enfer au ciel, et du ciel à la terre.
Du neuf.
Comment rendre accessible Faust aux Québécois d’aujourd’hui? Des lasers, des
effets spéciaux, du flash! Puisse cela ouvrir la voie à une saine méditation
métaphysique.
S’ensuit
d’ailleurs le « Prologue dans le Ciel » qui est une variation sur le
prologue du livre de Job. Les acteurs sont les mêmes : Dieu, les Anges et
Méphistophélès qui n’est autre que le Diable. Les trois Archanges font ce que
les Archanges sont censé faire aux cieux quand, de Dieu, ils ne font les
commissions : ils chantent Ses louanges. Bien bellement puisque Goethe et
Nerval ne sont pas, en poésie, les premiers venus. Puis Méphisto arrive et
raille un peu ses prédécesseurs.
Pourtant, ne me fais pas un crime
De ce que mon langage est nu peu moins sublime
Que celui de tous ces messieurs :
De ce que mon langage est nu peu moins sublime
Que celui de tous ces messieurs :
Dire tous ces grands mots, autant vaut ne
rien dire ;
Quand ma voix les prononcerait,
Je serais sûr de bien te faire rire,
Si pourtant ta grandeur ici se le permet.
Quand ma voix les prononcerait,
Je serais sûr de bien te faire rire,
Si pourtant ta grandeur ici se le permet.
Oui la
Création est une merveille d’harmonie et de beauté… Seule ombre au tableau :
l’Homme.
Le petit dieu du monde est toujours aussi
drôle
Qu’au jour de la création,
Tant bien que mal jouant-son rôle ;
Mais, du flambeau divin, qu’il appelle raison,
Ne faisant bien souvent usage,
Que pour ajouter à ses maux,
Et pour ravaler ton image
Au rang des p1us vils animaux.
Pour moi, je comparerais l’homme
(Sauf le respect que je te dois),
Aux insectes pattus, que cigales il nomme ;
De prés en prés, de bois en bois,
Dansant toujours la même danse,
Et chantant la même romance :
Ah ! qu’il ressemble bien à ces animaux-là !
Hors du chez soi, sans cesse il faut qu’il coure,...
Et s’il ne faisait que cela…
Mais non, pas un fumier où son nez ne se fourre.
Qu’au jour de la création,
Tant bien que mal jouant-son rôle ;
Mais, du flambeau divin, qu’il appelle raison,
Ne faisant bien souvent usage,
Que pour ajouter à ses maux,
Et pour ravaler ton image
Au rang des p1us vils animaux.
Pour moi, je comparerais l’homme
(Sauf le respect que je te dois),
Aux insectes pattus, que cigales il nomme ;
De prés en prés, de bois en bois,
Dansant toujours la même danse,
Et chantant la même romance :
Ah ! qu’il ressemble bien à ces animaux-là !
Hors du chez soi, sans cesse il faut qu’il coure,...
Et s’il ne faisait que cela…
Mais non, pas un fumier où son nez ne se fourre.
Difficile de
ne pas lui donner un peu raison. Mais
seulement un peu… Comme d’habitude, il généralise outrageusement. Comme
d’habitude, il ne tient pas compte du reste.
Ce petit reste qui sauve tout et qui fait qu’il y a encore une humanité. Satan
est bien sûr l’Accusateur selon l’étymologie. Le Seigneur répond :
N’en as tu pas à dire plus ?
Ne viendras-tu jamais ici que pour médire,
Et sur le terre, enfin, n’est-il que des abus ?
Ne viendras-tu jamais ici que pour médire,
Et sur le terre, enfin, n’est-il que des abus ?
J’ai parlé
de la médisance hier… Action satanique s’il en est… Puis Dieu propose à son
admiration Faust comme il l’avait fait de Job dans la Bible. Dans ce dernier
cas, il permettait à Satan d’aller le tenter par le deuil et la souffrance.
Cette fois, Satan usera d’une autre sorte de tentation. Une tentation adaptée à
son caractère. Comment définir ce caractère? Voyons ce qu’en dit
Méphisto :
Il vous sert en effet d’une étrange
façon ;
Rien ne se sent chez lui des choses de la terre,
Ni ses actes, ni ses discours ;
Et son esprit plane toujours
Dans un espace imaginaire.
Rien ne se sent chez lui des choses de la terre,
Ni ses actes, ni ses discours ;
Et son esprit plane toujours
Dans un espace imaginaire.
Un
scientifique puissant mais un peu dans son monde éthéré. Méphisto veut le faire
tomber. Il demande carte blanche. Il réussira, alors qu’il avait échoué avec
Job.
Puis on a
une tirade de Faust qui renvoie directement au désenchantement de Salomon dans l’Ecclésiaste (ou Qoéleth). À Socrate aussi :
Philosophie, jurisprudence, médecine, et toi
aussi, malheureuse théologie ! je vous ai donc étudiées avec grand’peine,
et maintenant me voici, pauvre fou, tout aussi sage que devant. Je m’intitule,
il est vrai, maître, docteur, et depuis dix ans je promène çà et là mes élèves
par le nez. — Et je vois bien que nous ne pouvons rien savoir ! Voilà ce
qui me brûle le sang !
Il est allé
au bout de la science de son temps. Que fait-on alors?
Il ne me reste plus qu’à me jeter dans la
magie.
[…]
si enfin je pouvais connaître tout ce que le
monde cache en lui-même, et, sans m’attacher davantage à des mots inutiles,
voir ce que la nature contient de forces et de semences éternelles !
Archétype du
savant fou... Il invoque l’Esprit de la Terre, qui lui apparaît. Est-ce le
Saint Esprit? Je continue ma lecture et il semble bien que oui. Faust se
présente à lui comme son égal.
Est-ce le
péché impardonnable dont parle l’Écriture? La conception de l’Esprit-Saint
comme personne de la Trinité me semble ici problématique…
Son
serviteur Vagner entre et la vision disparaît. Faust n’est pas content. Vagner
dit entre autre ceci :
J’ai entendu dire souvent qu’un comédien
peut en remontrer à un prêtre.
Le vrai
Wagner aurait plutôt parlé du musicien… S’ensuit une discussion sur l’art
(Vagner est écrivain), avec cette citation célèbre :
Ah Dieu ! l’art est long, et notre vie
est courte !
Il
continue :
Pour moi, au milieu de mes
travaux littéraires, je me sens mal souvent à la tête et au cœur. Que de
difficultés n’y a-t-il pas à trouver le moyen de remonter aux sources ! Et
avant d’avoir fait la moitié du chemin, un pauvre diable peut très-bien mourir.
Eh bien
voilà, les amis ce que sera le thème principal de ce blogue, et qui explique
son drôle de nom : Que de difficultés
n’y a-t-il pas à trouver le moyen de remonter aux sources ! Nous
affirmons que la source qui a inspiré les grooves les plus puissants de
Funkadelic est la même que celle qui a inspiré les plus belles pages du
chanoine Groulx.
L’entretien se termine par une petite mise en garde, aux
animateurs de blogues par exemple :
Le peu d’hommes qui ont su
quelque chose, et qui ont été assez fous pour ne point garder leur secret dans
leur propre cœur, ceux qui ont découvert au peuple leurs sentimens et leurs
vues ont été de tout tems crucifiés et brûlés.
Vagner
quitte et alors Faust fait part de ses prétentions :
Moi, l’image de la
divinité, qui me croyais déjà parvenu au miroir de l’éternelle vérité ;
qui, dépouillé, isolé des enfans de la terre, aspirais à toute la clarté du
ciel ; moi qui croyais, supérieur aux chérubins, pouvoir confondre mes
forces indépendantes avec celles de la nature, et, créateur aussi, jouir de la
vie d’un Dieu, ai-je pu mesurer mes pressentimens à une telle élévation ?...
Voilà. Il ne
veut pas seulement déchiffrer la nature, il veut la créer. Le complexe de Dieu
dans toute sa splendeur.
Une matière de plus en plus étrangère à nous
s’oppose à tout ce que l’esprit conçoit de sublime ; quand nous atteignons
aux biens de ce monde, nous traitons de mensonge et de chimère tout ce qui vaut
mieux qu’eux. Les nobles sentimens qui nous donnent la vie languissent étouffés
sous les sensations de la terre.
Conséquence
de la Chute. Un des drames de Faust, comme de la plupart des hommes est qu’ils
ne voient pas cette incapacité comme venant d’un dérèglement originel, mais de
l’essence de l’humain dans sa création même. Le dérèglement n’était pas dans le
plan d’origine. Il est venu après. Ça change tout.
Puis, une
superbe description du control freak
comme on en connait tous, et qui est une forme bénigne de god complex :
Au fond de notre cœur, l’inquiétude vient
s’établir, elle y produit de secrètes douleurs, elle s’y agite sans cesse, en y
détruisant joie et repos ; elle se pare toujours de masques
nouveaux : c’est tantôt une maison, une cour ; tantôt une femme, un
enfant ; c’est encore du feu, de l’eau, un poignard, du poison..... Nous tremblons
devant tout ce qui ne nous atteindra pas, et nous pleurons sans cesse ce que
nous n’avons point perdu.
Superbe! Suit
une référence claire à un Psaume :
Je n’égale pas Dieu ! Je le sens trop
profondément ; je ne ressemble qu’au ver, habitant de la poussière, au
ver, que le pied du voyageur écrase et ensevelit pendant qu’il y cherche une
nourriture.
Bon là
j’avoue que je commence à le trouver un peu con. Méditation sur tous ses livres
et tous ses instruments d’alchimie. Il vit dans un laboratoire poussiéreux.
Puis il prend une fiole qui contient une drogue, je crois. Il la porte à sa
bouche et le Chœur des Anges vient chanter un Gloria qui célèbrerait la
résurrection du Christ plutôt que sa naissance :
Christ vient de ressusciter ;
Joie à la race mortelle !
Il veut en elle effacer
La faute originelle.
Joie à la race mortelle !
Il veut en elle effacer
La faute originelle.
Puis un
chant des vierges au tombeau. Et alors retentit le drame de Faust. Rendu au
bout du chemin de la science, où aller? Deux possibilités à part le repliement :
la magie ou la foi. On a vu que Faust a considéré la magie.
Et la foi?
Pourquoi, chants du ciel, chants puissans et
doux, me cherchez-vous dans la poussière ? Retentissez pour ceux que vous
touchez encore. J’écoute bien la nouvelle que vous apportez, mais la foi me manque pour y croire :
le miracle est l’enfant le plus chéri de la foi. Pour moi je n’ose aspirer à
cette sphère, où retentit l’annonce désirée ; et cependant, par ces chants
dont mon enfance fut bercée, je me sens rappelé dans la vie.
Une
tendresse nostalgique n’est pas la foi! Qu’on se le tienne pour dit,
catholique. Faust ne veut pas s’en faire accroire.
Chœur des
disciples du Seigneur lors de l’Ascension. Chœur des Anges. Que peut comprendre
de tout ça une personne qui n’a aucune culture biblique? On ne flushe pas la
Bible sans flusher Faust. Heureusement qu’il reste Chrystine Brouillet.
Fin de
l’acte. On se retrouve devant la porte de la ville. Des gens de la plèbe. Conversations
futiles de jouisseurs plébéiens.
[J’en suis
au troisième album de Faust en écrivant ces mots. Faust Tapes. « J’ai mal
aux dents/ J’ai mal aux pieds aussi ». Mortel! Je n’avais pas compris ces
mots la dernière fois que j’ai écouté cet album, il doit bien y avoir 10 ans de
cela. Solo free sax sublime!]
La main qui samedi tient un balai, est celle
qui dimanche te caresse le mieux.
Un bourgeois
dit quelque chose qui me fait penser à notre condescendance devant les drames
qui se passent loin de chez nous et dont nous prenons connaissance en écoutant
la tv :
Je ne sais rien de mieux, les dimanches et
fêtes, que de parler de guerres et de combats, pendant que, bien loin, dans la
Turquie, les peuples s’échinent entre eux. On est à la fenêtre, on prend son
petit verre, et l’on voit la rivière se barioler de bâtimens de toutes
couleurs ; le soir on rentre gaîment chez soi, en bénissant la paix, et le
tems de paix dont nous jouissons.
À quoi un
autre répond :
Je suis comme vous, mon cher voisin, ils
peuvent bien se fendre la tête, et chez eux tout peut bien aller au
diable : pourvu que chez moi tout aille comme devant.
Trésors d’empathie!
On revient à
Faust et Vagner. Le docteur chante le printemps, assimilé à la Résurrection, et
envie ces gens simples -- qu’il méprise par ailleurs pour leur ignorance et
leurs plaisirs vulgaires -- d’y trouver une joie véritable. Il décide donc de
se mêler à cette plèbe. Un paysan lui est reconnaissant :
Monsieur le Docteur, il est beau de votre
part de ne point nous mépriser aujourd’hui, et, savant comme vous l’êtes, de
venir vous mêler à toute cette cohue.
On apprend
que le père de Faust a sauvé le village de la peste et que Faust lui-même a
sauvé plus d’un habitant, allant de maisons en maisons pour aider les malades…
Faust leur dit de rendre grâce à Dieu. Plus loin, Faust avoue à son serviteur
que la science de son père, c’était n’importe quoi et qu’il a bien plus
empoisonné de gens qu’il n’en a sauvé. Aussi ces éloges sonnent-elles à ses
oreilles comme un outrage.
La réponse
de Vagner se termine pas ces mots :
…homme, si tu fais avancer la science, ton
fils pourra aspirer à un but plus élevé.
Faust
voudrait pouvoir s’élancer dans les espaces azurés. Vagner répond qu’il préfère
se jeter dans les livres et parchemins. Il retient son maître de faire appels
aux esprits qui sont peut-être ceux qui vont se déchaîner sur l’Allemagne
quelques siècles plus tard. Puis un chien noir. Le black dog de Led Zeppelin? Faust
l’emmène chez lui.
Dans l’acte
suivant, il est tout rempli de béatitude, ce qui fait grogner le chien. Pieux
sentiments :
…nous apprenons à estimer ce qui
s’élève au-dessus des choses de la terre, nous aspirons à une révélation, qui
nulle part ne brille d’un éclat plus pur et plus beau que dans le
Nouveau-Testament. J’ai envie d’ouvrir le texte, et me livrant une fois à des
sentimens sincères, de traduire le saint original dans la langue allemande qui
m’est si chère.
(Il ouvre un volume et s’apprête.)
Il est écrit : ‘Au commencement était
la parole’
Il s’arrête,
insatisfait du mot parole, qui ne rend pas ce dont il s’agit à son goût. Il y
substitut d’abord : la Volonté. Schopenhauer doit bien se rappeler ce
passage. Puis il essaie : la Force. Nietzsche s’en vient. Il s’arrête
finalement sur : l’Action. L’engagement de Sartre? Le chien continue de
grogner puis se métamorphose. Il s’agit d’un esprit infernal. Il est prisonnier
dans le cabinet de Faust. D’autres esprits à l’extérieur disent vouloir le
délivrer. Après des incantations, le chien devenu monstre devient Méphisto, affublé
d’habits d’étudiant. Faust lui demande son nom et il répond :
Une partie de cette force qui tantôt veut le
mal, et tantôt fait le bien.
Réponse
qu’on ne comprend pas si on ne connaît pas l’Épître aux Romains (7, 15). Faust
demande des précisions. Méphisto obtempère :
Je suis l’Esprit qui toujours nie ; et
c’est avec justice : car tout ce qui existe est digne d’être
détruit ; il serait donc mieux que rien n’existât. Ainsi, tout ce que vous
nommez péché, destruction, bref, ce qu’on entend par mal ; voilà mon
élément.
En d’autres
termes : Néant. La Création n’aurait tout simplement jamais dû être. Ténèbres
aussi :
Je te dis la modeste vérité. Si l’homme, ce
petit monde de folie, se regarde ordinairement comme formant un entier, je
suis, moi, une partie de la partie qui existait au commencement de tout, une
partie de cette obscurité qui donna
naissance à la lumière, la lumière orgueilleuse, qui maintenant dispute à sa
mère, la nuit, son rang antique et l’espace qu’elle occupait ; ce qui ne
lui réussit guère pourtant, car malgré ses efforts elle ne peut que ramper à la
surface des corps qui l’arrêtent ; elle jaillit de la matière, elle
l’embellit, mais un corps suffit pour enchaîner sa marche. Je puis donc espérer
qu’elle ne sera plus de longue durée, ou qu’elle s’anéantira avec les corps
eux-mêmes.
Méphisto
veut partir mais il ne peut pas à cause d’un pentagramme qui traîne dans le
cabinet et qui pointe vers a porte (il ne peut sortir que par où il est entré).
Faust est bien heureux de cette rencontre, et de savoir son hôte prisonnier. Mais
il est endormi par le chant d’esprits infernaux et Méphisto s’échappe.
Méphisto
revient visiter Faust à l’acte suivant. Habillé en seigneur cette fois. Faust y
va d’une plainte qui rappelle Job. (« Qu’est-ce que le monde peut m’offrir
de bon ? Tout doit te manquer ; tu dois manquer de tout !
Voilà l’éternel refrain qui tinte aux oreilles de chacun de nous, et ce que,
toute notre vie, chaque heure nous répète d’une voix cassée.) On apprend qu’il
a fait une tentative de suicide.
Puis une
malédiction qui rappelle encore Job, de même que Jérémie :
Hé bien ! puisque des sons
bien doux et bien connus m’ont arraché à l’horreur de mes sensations, en
m’offrant, avec l’image de tems plus joyeux, les aimables sentimens de
l’enfance, je maudis tout ce que l’ame environne d’attraits et de prestiges,
tout ce qu’en ces tristes demeures elle voile d’éclat et de mensonge !
Maudite soit d’abord la haute opinion dont l’esprit s’enivre lui-même !
Maudite soit la splendeur des vaines apparences qui assiège nos sens ! Maudit
soit ce qui nous séduit dans nos rêves, illusions de gloire et
d’immortalité ! Maudits soient tous les objets dont la possession nous
flatte, femme ou enfant, valet ou charrue ! Maudit soit Mammon, quand, par
l’appât de ses trésors, il nous pousse à des entreprises audacieuses, ou quand,
pour des jouissances oisives, il nous entoure de voluptueux coussins !
Maudite soit toute exaltation de l’amour ! Maudite soit l’espérance !
Maudite la foi, et maudite avant tout la patience !
Quel con,
pas de joke! Puis c’est le pacte. Méphisto :
Je veux ici m’attacher à ton service, obéir sans fin ni cesse à ton moindre
signe ; mais, quand nous nous reverrons là-dessous tu devras me
rendre la pareille.
Réponse de
Faust :
Le dessous ne m’inquiète guère ; mets d’abord en
pièces ce monde-ci, et l‘autre peut arriver ensuite. Mes plaisirs jaillissent
de cette terre, et ce soleil éclaire mes peines ; que je m’affranchisse
une fois de ces dernières, arrive après ce qui pourra. Je n’en veux point
apprendre davantage. Peu m’importe que, dans l‘avenir, on aime ou haïsse, et
que ces sphères aient aussi un dessus et un dessous.
Tout est là. L’ici-bas seul compte. Jouissons
au max ici et qu’importe ce qui arrivera après. Méphisto lui promet des
plaisirs comme il n’en a jamais connus mais Faust n’est pas dupe :
Et qu’as-tu à donner, pauvre diable ?
L’esprit d’un homme en ses hautes inspirations fut-il jamais conçu par tes
pareils ? Tu n’as que des alimens qui ne rassasient pas, de l’or pâle, qui
sans cesse s’écoule des mains comme le vif argent ; un jeu auquel on ne
gagne jamais ; une fille qui, jusque dans mes bras, fait les yeux doux à
mon voisin ; l’honneur, belle divinité qui s’évanouit comme un météore.
Fais-moi voir un fruit qui ne pourrisse pas avant que de tomber, et des arbres
qui tous les jours se couvrent d’une verdure nouvelle.
Right on! Tu
n’as rien à offrir ducon!
Faust signe
quand même avec son sang. Puis :
Je me suis trop enflé, il faut maintenant
que j’appartienne à ton espèce ; le grand Esprit m’a dédaigné ; la
nature se ferme devant moi; le fil de ma pensée est rompu et je suis dégoûté de
toute science. Il faut que dans le gouffre de la sensualité, mes passions
ardentes s’apaisent ! Qu’au sein de voiles magiques et impénétrables, de
nouveaux miracles s’apprêtent ! Précipitons-nous dans le murmure des
tems ; dans les vagues agitées du destin ! Et qu’ensuite la douleur
et la jouissance, le succès et l’infortune se suivent comme ils pourront. Il
faut désormais que l’homme s’occupe sans relâche...
Comme quoi
il est bien vrai que la science, ainsi que je le disais dans mon article
précédent (ou l’autre d’avant) est l’une des plus nobles activités à laquelle
puisse s’adonner l’homme. Une activité sainte…
Méphisto
répond :
Il ne vous est assigné aucune limite, aucun
but. S’il vous plaît de goûter un peu
de tout, d’attraper au vol ce qui se présentera, faites comme vous l’entendrez.
Idéal de
l’homme moderne. Faust :
Tu sens bien qu’il ne s’agit pas là
d’amusemens. Je me consacre au tumulte, aux jouissances les plus douloureuses,
à l’amour qui sent la haine, à la paix qui sent le désespoir. Mon sein, guéri
de l’ardeur de la science, ne sera désormais fermé à aucune douleur : et
ce qui le partage de l’humanité toute entière, je veux le concentrer dans le
plus profond de mon être ; je veux, par mon esprit, atteindre à ce qu’elle
a de plus élevé et de plus secret ; je veux entasser sur mon cœur tout le
bien et tout le mal qu’el1e contient, et, me gonflant comme elle, me griser
aussi de même.
Sadomaso en
règle. Me vient en tête Hell.com. Peu
surprenant.
Un écolier
se présente à Faust pour qu’il devienne son précepteur. Méphisto se fait passer
pour lui.
Méphisto :
Mon bon ami, toute théorie est sèche et
l’arbre précieux de la vie est fleuri.
L’écolier
demande à Méphisto de signer son album. Ce dernier écrit : Eritis sicut
Deus, bonum et malum scientes.
Puis il fait référence à son cousin le serpent :
Suis seulement la vieille sentence de mon
cousin le serpent, tu douteras bientôt de ta ressemblance divine.
Faust
revient. Il veut aller dans le monde mais il se dit timide. Ils partent en manteau
volant.
Voilà, ça
doit bien faire trois heures que je travaille (le temps d’une représentation).
Je m’arrête donc et vais méditer sur tout ceci. On en reparle.
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