mercredi 31 juillet 2013

Le Québec est-il digne de son héritage?

Steve E. Fortin, dans un article du Huffington Post, répond aux propos méprisants d'une dénommée Bederman qui a écrit Is Quebec Good Enough for Canada?

La défense de M. Fortin n'est pas mauvaise, mais elle pourrait être meilleure si elle ne se limitait pas à une vision réductrice de notre identité nationale.

D'abord, il y a l'idée que le Québec, en tant que province, constitue une nation. Non, ce n'est pas la province, fiction juridique crée en 1867, qui constitue une nation, mais bien le peuple canadien-français, cette nation industrieuse née sur les rives du Saint-Laurent, autrefois consciente de sa mission en tant que peuple, vertueuse, fière et passionnée. On leur a piqué le nom "canadien" dans une tentative de diluer leur identité. La plupart d'entre nous sommes encore conscients que la fédération comporte deux peuples fondateurs, même si cette idée n'est plus reconnue par l'autre peuple qu'on appelait autrefois les Anglais, par opposition à nous-mêmes qu'on appelait les Canadiens. L'existence de deux peuples est non seulement une réalité historique mais aussi une réalité présente. Le Canada, par définition, est une sorte d'alliance entre deux peuples. Si l'alliance est rompue par un peuple qui écarte l'autre, il n'a pas plus le droit de s'appeler le Canada que l'autre. D'ailleurs, si l'un des deux peuples a plus le droit au nom Canada, c'est bien le peuple canadien-français.

Mais la confusion créée par l'appropriation du nom de notre nation n'a aucune commune mesure avec la confusion crée par la question linguistique.

Tout aussi artificiellement qu'on a décidé de lier l'identité de notre peuple à une division territoriale, on a tenté de lier son identité presque exclusivement à une langue. Cette tentative a eu beaucoup de succès, parce qu'elle est fondée sur une demi-vérité; la langue constitue en effet l'un des deux éléments principaux de notre identité nationale. L'erreur est d'insister uniquement sur la langue au détriment des autres facteurs identitaires.

La vérité historique est que notre identité n'est pas fondée uniquement sur la langue et encore moins sur la province. Elle est fondée sur un patrimoine culturel qui comporte de nombreux éléments distinctifs et dont l'autre élément prédominant est la religion catholique. Que l'on soit croyant ou non, toute tentative de nier cette réalité équivaut à une attaque en règle contre notre véritable identité nationale. Même des soi-disant nationalistes s'y livrent, par ignorance ou par idéologie athée.

Un vrai nationaliste, même athée, ne doit pas occulter notre héritage catholique. Un grand nombre de nos nationalistes souffrent d'un grave problème d'estime d'eux-mêmes, s'acharnant à détruire l'une des plus importantes caractéristiques de leur propre identité, comme un léopard qui voudrait effacer ses taches. Que la question du crucifix à l'Assemblée nationale soit même un sujet de débat démontre à quel point nous souffrons de schizophrénie collective sur cette question.

Depuis quarante ans on s'affaire à effacer cet aspect de notre identité au nom d'une idéologie laïque qui n'a rien à voir avec le nationalisme et qui ne cherche pas les meilleurs intérêts de notre peuple. On a réussi en grande partie à s'imposer une amnésie collective qui conduit à nous ignorer nous-mêmes. Mais tout n'est pas perdu: on peut conserver ce que l'on possède encore de cet héritage. Je ne parle pas d'une reconversion massive à la foi catholique, mais simplement de mettre fin à cette manie de vouloir systématiquement effacer toutes les traces du catholicisme, comme la situation absurde d'un gouvernement qui nous interdit d'expliquer la signification de la crèche sous le sapin de Noël dans les garderies.

Incidemment, en insistant uniquement sur la langue dans un effort d'effacer le catholicisme de notre conscience, on appauvrit notre identité eu égard à d'autres aspects, sans même le vouloir. Si on adopte cette notion réductrice de notre identité, toute personne qui vit à l'intérieur de nos frontières provinciales et qui parle français peut prétendre être membre de la "nation québécoise" sans égard à ses origines ethniques, pourvu qu'elle soit capable de parler le joual. Encore une fois, on occulte le fait que notre nation a le sang français, irlandais et amérindien, qui est l'une des caractéristiques fondamentales de notre identité nationale.

À la question "le Québec est-il digne de demeurer au Canada", nous devons refuser de répondre puisqu'elle repose sur une fausse prémisse. La province est un simple instrument juridique d'un peuple d'une dignité égale à celle de l'autre peuple fondateur, dignité qui demeure sans égard à l'existence de la fédération crée en 1867. La vraie question qu'il faut se poser est la suivante: sommes-nous dignes d'un héritage si riche et précieux?

2 commentaires:

  1. Il faut promouvoir cet héritage religieux, même si ce n'est pas populaire, sans quoi il finira par mourir pour de bon dans la mémoire des Canadiens-Français...

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  2. Merci de rappeler ces vérités historiques. Ça fait du bien. Pour le côté catholique, je crois qu'il faudrait nuancer un peu. C'est vrai que la France et le Québec ont suivi deux trajectoires séparées. Pour moi français, depuis la Révolution, la laïcité est une valeur inscrite dans les gênes de mon peuple. Avec la guerre d'indépendance américaine contre les anglais, les américains ont peut être même plus profité de nos lumières que les canadiens français puisque la France avait déjà perdu le Canada à ce moment là.
    Néanmoins, je ne peux m'empêcher de penser qu'une des différences principales entre les français et les peuples anglo-saxons est justement la question de la laïcité. Je crois que si le Québec ne doit pas oublier son héritage (difficile quand on fait si peu d'Histoire à l'école), ils doivent essayer de continuer le cheminement entrepris avec la révolution tranquille. Cela ne veut pas dire s'attacher à des détails comme le crucifix mais bien aller vers un système plus républicain, différent du multiculturalisme prôné par les anglo-saxons.
    Le multiculturalisme "canadien" va de pair avec la prédominance de l'anglais et les idées libérales. La langue fait un peu le cerveau, enfin c'est ce que je pense. Je crois que c'est idéologiquement que le Québec devra se montrer indépendant. L'indépendance territoriale et politique suivra presque naturellement.
    Bien entendu je suis français et je ne suis pas forcément objectif. Mais je crois savoir que le Général de Gaulle n'avait pas crié "Vive le Québec Libre" seulement pour l'indépendance mais aussi pour que les québécois s'émancipent de la religion.

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